il était une fois
C’est seulement il y a quelques semaines j’ai réellement compris l’importance de l’illustre famille Rivera, et surtout le rôle que j’avais à jouer : celui de la petite fille modèle qui acquiesce avec tout ce que ses parents déclarent et font. Ce soir-là, nous devions nous rendre à un gala à Boston. Les galas sont une activité hebdomadaire chez nous mais celui-ci avait quelque chose de spécial. Je sentais mon père stressé alors qu’il était toujours sûr de lui. Cela faisait des jours entiers que je l’entendais discuter avec ma mère mais s’interrompre dès que j’entrais dans la pièce. Quelques heures avant de partir pour le gala, mon père m’avait demandé de promettre que quoi qu’il allait arriver, je lui ferais confiance et je n’interviendrais pas. Il n’avait pas voulu m’en dire plus et j’avais fini par lui promettre. Chose que je n’aurais jamais dû faire. La soirée était en fait un traquenard. Nous étions assis à la table d’un certain Matt, un grand diplomate de trente ans mon aîné, avec qui mon père avait apparemment décidé que j’allais me marier quelques jours plus tard. Lorsque j'ai compris de quoi il s’agissait, je m’étais levée pour quitter la salle mais sur l’ordre de mon père, l’un des gardes du corps de la famille m’avait fait bien fait comprendre que je n’avais pas d’autre choix que de respecter la promesse que j’avais faite quelques heures auparavant. D’habitude pourtant, j’adore remettre les hommes à leur place, surtout à ce genre de gala, mais mon père est hors course. Je ne peux que mes plier à ses exigences. Résultat : j’avais passé la soirée à ravaler ma rage et à écouter mon père me tarir d’éloges, sans pour autant me laisser intervenir (ce qui était une sage décision de sa part, je le reconnais).
Le lendemain, mon père m’avait emmené à Cape Code, sur notre navire pour une « bonne discussion », comme il l’avait appelée. Il s’agissait plus d’un monologue au cours duquel il m’avait fait comprendre que je n’étais qu’une marionnette, que je n’avais pas d’autre choix que d’épouser Matt si je voulais continuer à vivre la vie de rêve que je menais. Je sais que ma mère était contre cette décision purement politique mais après tout, « une femme n’a-t-elle pas pour rôle de soutenir son époux envers et contre tout ? ». Voilà ce qu’elle m’a répondu avant de se dépêcher de changer de sujet lorsque je l’avais questionnée sur sa position. Mon seul allié a toujours été Charles, le comptable et associé de mon père. Je le soupçonne d’avoir un faible pour moi, ce qui s’avère souvent bien utile car il est une oreille attentive. Heureusement qu’il a accepté de nous suivre à New Orleans.

Après quelques mois de bons et loyaux services en tant qu’épouse de Matt, j’étais ravie : mon père avait finalement décidé de mettre un terme au mariage. D’une part car l’étendue du pouvoir de Matt en tant que diplomate avait considérablement diminué, il ne lui était donc plus utile et n’avait plus sa place dans la famille et d’autre part car mes parents avaient décidé de s’installer à New Orleans. Heureusement, la courte durée de notre mariage ne m’avait pas obligée à m’installer chez lui et, Matt étant beaucoup pris par son métier, à l’exception près de quelques repas et nuitées, j’avais pu continuer à mener ma vie de rêve. Cependant, cette expérience m’a permis de mieux cerner les intentions de mes parents à mon égard.

Je suis tellement contente de pouvoir commencer une toute nouvelle vie à la Nouvelle Orléans. Mon père n’est pas un tyran, il est simplement comme tous les autres… J’ai décidé d’accepter la situation et de jouer la petite fille modèle dans cette nouvelle ville. Du moins jusqu’à ce que la bombe explose à nouveau car je ne suis pas sûre de pouvoir jouer la comédie très longtemps. Je pense que les gens nous trouvent mystérieux ici. Les esclaves, nos esclaves nous méprisent et la population ne sait pas bien à quoi s’en tenir. Ils ne connaissent évidemment l’illustre famille Rivera que de nom. Les Rivera, l’une des plus grande famille propriétaire de plantations et d’esclaves. Les citoyens doivent nous admirer sans oser nous approcher… Au moins ici, on n’est plus regardé comme des ennemis… ce qui arrivait de plus en plus souvent au Massachussetts puisque l’esclavage y disparaît peu à peu. Si seulement les gens savaient que je suis persuadée qu’il est grand temps de mettre un terme à l’esclavage et que je ne suis pas cette petite princesse pro-esclavage, comme les rumeurs le prétendent… Je suis si curieuse de découvrir la Louisiane. Cela fait trois mois que je reste enfermée dans notre nouveau manoir. Grand temps de partir à la découverte de la ville.