C’était quoi, ce bordel ? Sérieusement ? Thomas était à Stonehenge avec ses amis et l’instant d’après, il s’était retrouvé ici. Il n’avait pas mis longtemps à découvrir qu’il se trouvait à la Nouvelle-Orléans, mais…la Nouvelle-Orléans d’il y a…longtemps. Au départ, il avait cru à un mauvais rêve ou à une mauvaise blague. Peut-être que ses potes lui avaient joué un tour, peut-être qu’ils l’avaient assommé, puis emmené sur le lieu d’un tournage ou une connerie du genre. Mais dans quel but ? Et pourquoi ne se rappelait-il pas avoir été inconscient ou endormi ? Non, ça ne tenait pas la route du tout. Il se souvenait même avoir été comme aspiré…Aspiré ? Aurait-il atterri dans une autre dimension ? Une autre époque vu la dégaine des gens et l’absence de technologie en tout genre ? Il avait souvent vu ça dans des séries ou des films, mais se dire que c’était vraiment arrivé ? Ça semblait grandement tiré par les cheveux et pourtant. Pourtant, les faits étaient là. Il n’était plus en Angleterre, il n’était même plus à son époque. D’ailleurs, sa première réaction fut de comparer la situation à Retour vers le Futur. En bon geek qui se respectait, ça faisait évidemment partie des classiques incontournables et de ses films préférés. Peut-être tomberait-il sur Marty ou Doc bientôt ? Mouais. C’était beau de rêver…ou pas. Il aurait aimé rêver, là, tout de suite. Il avait atterri dans un champ et avait dû marcher un peu avant d’atteindre la ville. Inutile de dire qu’il ne passait pas vraiment inaperçu avec ses vêtements modernes et son sac-à-dos. Il avait évidemment sorti son portable par réflexe, dans l’infime espoir que ça marche, que tout ceci ne soit qu’une blague et qu’il puisse appeler ses amis. Pas de réseau. Et s’il avait effectivement atterri dans le passé pour il ne savait quelle raison et par il ne savait quelle sorcellerie, il allait devoir faire attention. Il avait vu assez de films, de séries et joué à assez de jeux vidéo pour savoir qu’il ne fallait jamais essayer d’altérer le passé. Même un peu. Sa simple présence ici risquerait de tout changer. Eh merde. Cette pression.

Mais pression mise à part, il était surtout perdu. Qu’allait-il faire ? Où irait-il ? Y avait-il seulement un moyen de rentrer chez lui ? Pourrait-il trouver quelqu’un pour l’aider ? Était-il la seule victime de ce phénomène étrange ou y avait-il d’autres personnes ? Une seconde ! Et si tout ceci n’était qu’une expérience géante ? Et s’il était toujours à son époque ? Et s’il avait été enlevé par des scientifiques qui voulaient étudier ses réactions ? Bon sang. Il devait vraiment arrêter de regarder autant la télé. Ou de traîner sur Netflix plutôt. Comment diable allait-il faire sans tout ça ? Allait-il devoir dormir à la rue comme un pauvre malheureux ? En fait, c’était un cauchemar. Voilà quelques heures qu’il errait sans but, tentant tant bien que mal de vraiment comprendre la situation, de comprendre où et quand il se trouvait. Il n’avait jamais été très attentif en cours d’histoire, mais assez pour reconnaître à peu près l’époque. En plus, il savait qu’il ne pourrait même pas utiliser l’argent qu’il lui restait vu que les dollars actuels n’existaient pas à l’époque et de toute façon…il était au Royaume-Uni avant d’atterrir ici. Il n’avait donc que des livres sur lui. Qu’avait-il donc fait pour mériter ça ?
Alors qu’il marchait un peu sans but, l’air paumé, son attention fut attirée par un éclat de voix un peu plus loin. Et cette voix n’avait franchement pas l’air avenante. Il se retrouva bientôt devant une scène qui fit aussitôt bouillir son sang dans ses veines. Il avait bien compris qu’ici, l’esclavage était encore de mise et les personnes de couleur étaient très mal traitées. C’était une partie sombre de l’histoire qu’il détestait. Et le voilà témoin de toute cette haine passée. Bien entendu, le racisme existait toujours. Malheureusement. Mais au moins, l’esclavage avait été aboli et la situation était tout de même bien moins pire. Il avait tellement envie de dire à tous ces gens que la situation s’améliorerait et que les Etats-Unis auraient même un président noir, un jour. Mais il ne pouvait pas.

N’écoutant que son courage – ou son inconscience ? – il approcha de la scène, l’air franchement pas content. Il se fichait bien que le type, manifestement alcoolisé, soit plus grand que lui et qu’il n’ait pas l’air très commode. « Hé ! » Le type se tourna vers lui et lui aboya dessus en lui demandant ce qu’il voulait. Thomas n’allait pas se laisser démonter. « Laissez-la tranquille ! C’est pas une façon de parler à une femme ! » Ni à n’importe qui, d’ailleurs. Evidemment, ses paroles eurent un drôle d’effet non seulement sur le type, mais aussi sur les personnes alentours. Apparemment, qualifier une femme noire, peut-être même une esclave, de « femme » n’était pas chose courante ici. Il voyait déjà le type et d’autres personnes s’approcher en le traitant de plein de noms pas très sympathiques. Ça sentait le roussi. Alors, il franchit rapidement la distance qui le séparait encore de la jeune femme, afin de faire barrage entre elle et l’ivrogne. « Allez-vous-en ! » Il soutint le regard de l’homme. Au fond de lui, il était mort de trouille, mais extérieurement, il ne laissait rien paraître. Et puis, l’homme leva le poing, prêt à l’abattre sur Thomas. Ayant fait un peu de boxe et ayant des réflexes pas si mauvais que ça, le jeune homme parvint à esquiver le coup avant d’en sentir un autre au niveau de sa mâchoire. Un autre type venait de le frapper, profitant de la distraction offerte par son pote. Thomas chancela et buta contre la jeune femme, sous l’hilarité générale. « Reste donc avec cette chienne puisque tu sembles tant tenir à elle ! » Thomas serra les poings. « C’est vous les animaux ! Cette personne est un être humain ! Vous n’êtes que des porcs ! » Merde, il s’emportait trop, là. Il allait finir par le payer amèrement. Sentant la catastrophe arriver, il attrapa le poignet de la jeune femme sans réfléchir et se mit à courir en l’entraînant avec lui. « Il est temps de partir ! » Il serait sans doute traité de lâche, mais peu importe. Il tenait quand même à sa vie, malgré tout. Et il ne voulait pas que cette inconnue soit blessée par sa faute.