Life is full of unexpected {PV Eveline}

Eveline Thorne & Laurel Rivera

Life is full of unexpected

J’avais promis à Charles de me rendre à sa place à la banque aujourd’hui car il avait une autre réunion qu’il ne pouvait pas manquer. Mon père insiste toujours pour que je sorte accompagnée de 3 servantes ‘au cas où’, ajoute-t-il souvent. Je n’aime pas les ‘au cas où’ et j’aime davantage me promener seule. Aujourd’hui ne fait pas exception à la règle, je me suis faufilée hors de la maison pour me rendre au rendez-vous promis et pour continuer à visiter cette nouvelle ville. Cela fait longtemps que je ne me suis plus sentie aussi libre et vivante, quelle sensation agréable ! C’est en rentrant dans la banque que je l’ai aperçue pour la première fois : Eveline Thorne dans toute sa splendeur. La riche veuve anglaise qui vient tout juste de s’installer en ville. Pas compliquée à repérer : elle a l’air aussi perdu que moi. D’après les rumeurs, elle aurait assassiné son mari. Cela ne m’étonnerait même pas en fait. Question d’argent. Beaucoup serait prêt à tuer pour l’énorme somme dont elle a hérité. Elle n’a pas l’air d’être accompagnée de son esclave, ce qui est chose rare. D’après ce que j’ai entendu dire, toutes les deux sont inséparables. Elle a peut-être déjà compris que ce n’est pas quelque chose à faire à la Nouvelle Orléans. J’ai grandi dans ce monde distinct entre les Blancs et les Noirs et si j’ai bien appris une chose, c’est qu’il ne faut pas se mélanger. Elle l’apprendra tôt ou tard, elle aussi. Ici, on fait ce qu’on veut chez soi, aussi longtemps qu’on reste discret mais en rue, le code et les bonnes mœurs restent d’application, les couleurs restent chacune de leur côté si l’on ne veut pas être regardé de travers. Chacun a son rang.
En tout cas, je ne m’attendais vraiment pas à tomber sur elle aujourd’hui, encore moins à la banque. Coïncidence ? Je prends le temps d’observer l’Anglaise. Voilà que je rencontre enfin la femme qui est le sujet d’autant de conversations à la maison depuis quelques jours. Père fait commerce avec James Levinson, son futur époux et il a eu écho des rumeurs avant le reste des habitants. C’est devenu une sorte de compétition entre père et Charles : qui aura le privilège de rencontrer la mystérieuse veuve anglaise en premier ?
Alors forcément, tomber sur Eveline Thorne en vrai est un vrai choc car je ne m’attendais vraiment pas à la voir avant eux. Le choc est d’autant plus grand qu’elle n’est pas tout à fait comme je l’imaginais. Ce qui m’étonne le plus, c’est son âge ! Elle est beaucoup plus jeune que je ne l’aurais cru. Et très jolie. Elle affiche un air sûr d’elle et hautain, mais je ne suis pas dupe. Elle ne semble pas à son aise dans cette banque. Quelle idée de venir seule ici aussi! Les banques ne sont pas des endroits où les femmes ont l’habitude de se rendre. Et encore moins seule. Bon, d’accord, moi aussi je suis là mais ce n’est vraiment pas pareil car Charles a prévenu de ma visite, je me sens familière avec ce monde financier et je suis indépendante. Je me demande ce qu’elle vient faire sans chaperon, sans fiancé, sans esclave. Sait-elle au moins ce que le banquier est en train de lui dire ? Je devrais lui proposer les services de Charles, cela me ferait du travail à moi aussi et Dieu sait que j’en ai bien besoin. Cela fait trois mois que je m’ennuie à mourir au manoir. Enfin un peu de distraction aujourd’hui ! Il était grand temps ! Finalement, ce n’est pas si mal de tomber sur la veuve anglaise. Je vais pouvoir voir si tout ce qu’on dit sur elle est vrai. Elle est assise face à moi et à l’air de me regarder elle aussi. Sait-elle qui je suis ?
J’observe encore Eveline Thorne quelques minutes, perdue dans mes pensées. A ce moment-là, je remarque que l’Anglaise se lève et s’apprête à partir et j’évalue la situation. Allez, j’y vais. Au fond, peu importe ce que je pense, père a demandé des informations sur cette nouvelle arrivante. A moi de jouer maintenant. Je décide de la jouer sûre de moi, comme si elle était sur mon territoire, alors qu’au fond, je ne connais pas plus la ville et ses habitants qu’elle. Mais ça, elle n’a pas besoin de le savoir. Je m’avance vers elle et lance avec un grand sourire: « Bienvenue à la nouvelle Orléans, mademoiselle Thorne »

uno

Life is full of unexpected

Eveline n’a jamais réellement apprécié les banquiers ni tout les métiers qui avait l’argent en main. Elles les trouvaient toujours trop sures d’eux et généralement ne savaient parler de rien d’autre que des affaires. Et Eveline artiste dans l’âme… autant vous dire que cela ne l’a jamais intéressé. Sur ce plan-là, elle était la femme typique qui laissait à son mari l’opportunité de gérer les comptes de la maison. Mais aujourd’hui elle n’avait guère le choix que de se rendre elle-même à la banque. Son mari était mort et son futur époux n’avait pas encore le droit de toucher à son héritage. Mais cela n’allait pas tarder, d’ailleurs c’était justement pour s’assurer que tout soit bien en ordre que Miss Thorne était là aujourd’hui. Car les finances transatlantiques n’étaient pas toujours les plus facile et elle voulait bien être sure que tout le compte soit là. Elle ne souhaitait pas commencer son mariage en apportant déjà des soucis et des tracas. Mais bien sure comme elle s’en était douté ca prendrait plus de temps que prévu… elle soupire t légèrement irritée elle se lève pour quitter la banque. C’est toujours la même chose avec ces hommes d’argent. Du temps du temps et de la patience. Bien sure comme si le monde tournait sur le temps et la patience ! Mais avant qu’elle eut le temps de quitter la banque, voilà qu’on venait l’accoster.

Et voilà cela commence déjà… A peine arrivée en ville qu’on vienne déjà se présenter à elle. Les vautours qui veulent faire circuler des rumeurs et qui n’ont rien à faire d’autre de leur journées se présentent déjà devant elle. Et cela sous la forme d’une jeune femme blonde. Bien qu’elle ait envie de lever les sourcils vers le plafond de la banque, Eveline fut tout le contraire. Un sourire qui masque ses réelles pensées. Au fond, Kane avait beau dire que les Etats-Unis sont bien différent que l’Angleterre… Au fond Eveline en doutait fortement. Les gens sont partout les mêmes. Toujours à vouloir savoir tous les détails sordides de la vie des autres. Surtout la haute société. Eveline ne se demandait pas comment cela se faisait que cette jeune femme savait qui elle était. Elle était surement la seule anglaise qui venait d’arriver, et même probablement la seule nouvelle arrivante. « Toutes mes excuses mais je ne suis pas aussi bien informée que vous. A qui ai-je donc l’honneur ? » Et si il y en avait bien une qui se connaissait bien en étiquette et surtout pour garder son visage masqué de tous sentiments, c’était bien Eveline Thorne. Non seulement elle avait été enseignée et éduquée dans la matière. Mais avec un mari qui était le roi des charmeurs et bien vu par tout le monde… alors qu’en réalité il cachait vraiment bien son jeu… Ah Eveline n’a rien su faire d’autre que jouer ce jeu morbide avec.

Maintenant qu’elle avait cette jeune femme en face d’elle, elle l’observait de plus près. Elle n’avait pas encore eu réellement le temps de s’intéresser aux nobles et aux riches de cette région. C’était à peine quelques jours qu’elle venait d’arriver et elle avait eu bien d’autres choses en tête que d’apprendre les noms par coeur des familles. Elle s’était dit qu’elle allait bien avoir vite l’occasion de faire connaissance de tout ce nouveau monde… C’était un peu plus vite que prévu.

« A qui ai-je donc l’honneur ? » Comment est-ce possible qu’Eveline Thorne ne me connaisse ou en tout cas ne me reconnaisse pas ? Depuis quand est-elle arrivée en Amérique ? Il me semble que cela fait plusieurs jours. Elle aurait quand même pu prendre la peine de se renseigner sur les habitants, enfin peut-être pas tous les habitants mais au moins les familles influentes de la ville. Je tente de garder mon sourire et de camoufler mon air crispé même si au fond de moi, je bous. Je n’ai vraiment pas l’habitude qu’on ne me reconnaisse pas. C’est une sensation particulière d’ailleurs. En tout cas, il va falloir que je m’y habitue car ce n’est probablement pas la dernière fois que cela arrivera dans cette nouvelle ville où je viens d’arriver. Peut-être devrais-je m’en réjouir ? Si elle ne me connaît pas, cela veut dire que pour une fois, je peux commencer de zéro. Quoique, pas vraiment. Dès que je vais dire mon nom, elle comprendra qui je suis et là, et elle se souviendra de tout ce qu’elle a entendu dire sur l’illustre famille Rivera. Ce sera pareil pour tous les autres. Et puis, ce sera sûrement comme à Boston, même si là-bas, pas besoin de donner mon nom : tout le monde me reconnaissait où que j’aille. C’est à partir du moment où les gens me voient ou comprennent qui je suis qu’il faut analyser leur réaction. Ainsi, je suis devenue experte pour savoir si quelqu’un est pour ou contre l’esclavage. Ce n’est pas bien compliqué en général, peu de personne savent dissimuler leurs pensées et leurs émotions même si beaucoup sont convaincues de savoir le faire. La maîtrise de ses émotions est un art. Dans lequel j’excelle, par ailleurs. Avec un père comme mien et une vie telle que celle que je mène, pleine de faux-semblants et d’obligations que je suis obligée de remplir contre mon gré, mon talent s’est développé automatiquement au fil des années. Je dois reconnaître que l’Anglaise a l’air de s’y connaître, elle aussi. Je me réjouis de voir jusqu’à quel point. « Excusez-moi, je n’ai pas l’habitude de devoir me présenter. Laurel Rivera. Vous devez sans doute avoir entendu parler de ma famille. » Pas besoin de lui dire que nous sommes célèbres pour le trafic d’esclaves ainsi que nos indénombrables plantations. Pas besoin de lui dire non plus que nous sommes perçus comme des héros par les vrais Sudistes et comme des traîtres par les Nordistes. D’ordinaire, j’aurais attendu pour observer sa réaction et ainsi savoir si elle se place dans la catégorie des amis ou des ennemis des Rivera mais ici, pas besoin. Je me doute déjà qu’Eveline Thorne doit être contre l’esclavage. Voyons donc de quoi elle est capable. «J’espère que vous avez fait bon voyage. J’ai entendu parler de votre arrivée en ville. Quel sacrifice d’abandonner votre pays pour les États-Unis, où tout est tellement différent et où la guerre menace d’éclater! Qu’est-ce qui vous a poussé à un tel choix ? » Elle doit bien se douter que les rumeurs circulent, mais faisons comme si ce n’était pas le cas. Certains diraient que je suis hypocrite, je préfère le terme stratège. Tout est question de rentabilité, de forces et de faiblesses dans la vie. Ne dit-on pas que le pouvoir appartient à celui qui détient l’information ? Maintenant que je suis en face de la source, autrement dit, Eveline Thorne, autant écouter ce qu’elle a à dire… et voir comment elle va réagir et répondre à mes questions. Je me demande combien de temps elle va tenir à la Nouvelle Orléans.

uno

Piquée… Oui bah depuis son arrivée en ville, il semblait qu’Eveline Thorne avait un peu de problèmes à s’adapter à cette ville, peut-être même à ce pays tout court. Bref ça ne serait pas la première personne qu’elle vexe dans cette ville. Et sûrement pas la dernière. Décidément elle avait vraiment beaucoup de mal à s’adapter. Pourtant Eveline n’aurait jamais cru que ca serait tellement différent que Londres. Rivera… Ah c’est une chose de se présenter, mais c’est déjà une toute autre que de présumer qu’on connaît sa famille…. Eveline sourit. Oui, bien sure qu’elle connaît de nom sa famille. Des vendeurs d’esclaves. « Enchanté… Oui en effet. Je pense que tout le monde ai entendu parler de votre famille… Mais… J’ignorais que votre famille était à la Nouvelle Orléans ? » Si ses souvenirs étaient bons... « Vous n’habitiez pas… Boston, c’est ca ? » S’intéresser à autrui alors qu’en réalité elle avait bien d’autres choses à faire. Enfin… Dans ce genre de situation on n’a pas vraiment le choix. Autant sourire et écouter, n’est-ce pas. Mais ne nous voilons pas la face. Eveline n’était pas dupe, elle avait bien vu qu’elle venait de vexer la jeune femme en face d’elle, qui visiblement devait avoir l’habitude d’être traité comme une célébrité.

Eveline fit un signe de la main vers la porte de sortie. « Ca vous dérange de sortir d’ici ? Je trouve l’atmosphère un peu trop paissant avec tous ces hommes de chiffres. » Oui, l’air frais ne pouvait jamais faire du mal. Et puis Eveline avait l’impression que tout le monde était en train de les observer. Mmm la question de Laurel fit sourire de plus belle Eveline. « Ooh vous savez, Londres est jolie… mais après le déces de mon mari, je me sentais seule. Et j’ai décidé de retrouver la seule famille qui me restait. » Elle devait bien être aussi au courant que Kane O’Malley était son cousin, après tout Laurel semblait être au courant de bien de choses. « Et puis je présume que vous êtes également au courant de mon futur mariage… Donc oui.. il y a quand même pas mal de choses qui m’ont attirés ici. » A l’extérieur Eveline ne tardait pas à remarquer les gens les observer. Visiblement… ils sont lourd par ici. Entre Laurel, et tous les autres regards Eveline ne savait pas ce qu’elle détestait le plus… finalement elle décida de tourner le jeu à sa façon. Son bras encrochait celui de Laurel, alors que de son autre main elle le positionnait sur le bras de Laurel. « Jouer donc le jeu avec moi… » Eveline fit un petit signe de tête envers les observateurs. « Je suis certaine qu’on parle déjà de nous. » Sourire sur les lèvres, Eveline continuait à marcher avec Laurel à ses côtés. « Dites-moi… Vous qui semblez connaître beaucoup de monde en ville… Qui sont ceux qui nous observent ? Et surtout de qui dois-je me méfier en ville ? » Autant qu'elle lui raconte donc tout ce qu'il fallait savoir sur les familles d'ici.

Eveline a tout de suite compris qui j’étais lorsque j’ai énoncé mon nom de famille. Pas étonnant. Juste au moment où j’allais répondre à la question de l’Anglaise, celle-ci me fit signe qu’elle voulait sortir d’ici. Quoi ? Ce n’était pas du tout prévu. Elle allait bien vite se rendre compte que je ne connais pas mieux la ville qu’elle et j’allais perdre la face. Tel est pris qui croyait prendre. Je ne serai plus sur mon terrain de jeu, nous serons à égalité. Et ce n’est pas quelque chose qui me plaît. J’ai l’habitude de transformer le célèbre adage en « Dominer pour mieux régner ». Bon, ici, c’est vraiment mal parti pour dominer… et donc pour régner. Surtout que je sens déjà les regards des passants. Garde la tête haute, Laurel, tentais-je de me raisonner. Je détestais déjà Eveline Thorne pour m’avoir mise dans cette situation. Celle-ci avait l’air de s’amuser, en plus. J’étais totalement perdue dans mes pensées lorsque je sentis tout d’un coup une pression sur mon bras. Elle se permettait de me prendre le bras, elle était en position de force. Je l’entendit se tourner vers moi et m’annoncer « Jouez donc le jeu avec moi, je suis certaine qu’on parle déjà de nous ». Elle était douée l’Anglaise ! Un peu trop même. J’avais rarement eu une adversaire aussi redoutable. Elle avait l’air d’être experte dans l’art des apparences. Mais je ne m’avouai pas vaincue. Ni une ni deux, je me ressaisis. Par où commencer ? L’honnêteté était la meilleure stratégie en toute situation diraient les plus sages. « Vous êtes bien renseignée, je viens effectivement de Boston. Je ne suis arrivée ici qu’il y a 3 mois et je n’ai pas encore eu l’occasion de beaucoup sortir de chez moi à vrai dire. En toute honnêteté, je pense donc que les regards interrogateurs se portent autant sur vous que sur moi.» Je viens juste de me rendre compte que je reprochais à Miss Thorne de ne pas s’être renseignée sur les familles influentes de la ville alors que j’ai fait la même erreur ! Père m’a expliqué avec qui on devait se lier d’amitié et qui on devait éviter mais je n’ai rien écouté de ses informations. Je m’en veux au fond de moi car j’aurais pu bombarder l’Anglaise d’informations toutes plus croustillantes les unes que les autres. « Je suis certaine que Kane et votre futur époux se chargeront de vous en dire un peu plus sur les habitants, nous devrions d’ailleurs demander à Kane de nous en apprendre plus sur tous ces curieux.»Ce qu’Eveline ne savait probablement pas encore, c’est que je m’étais liée d’amitié avec son cousin au cours de ces trois derniers mois. On était devenu proches, très proches. C’était à vrai dire mon seul ami à la Nouvelle Orléans étant donné que je n’étais quasi pas sortie de chez moi. Il ne m’avait cependant pas beaucoup parlé de l’arrivée de sa cousine. J’avais donc dû me contenter des rumeurs. C’était plutôt bizarre d’ailleurs car en quelques mois à peine, nous étions devenus des confidents. Assez perdu de temps, à mon tour de jouer, je n’allais pas me laisser intimider par Miss Thorne. « Je suppose que vous vous doutez que les rumeurs sont monnaie courante par ici. Votre arrivée, par exemple, a beaucoup fait parler d’elle et puis votre futur mariage également, bien entendu. Quoique, l’ancien aussi. »
Ce que je trouvais vraiment étrange, c’est le fait qu’Eveline épouse un homme tel que James Levinson. Je l’avais aperçu plusieurs fois à la maison et le courant ne passait pas du tout. Il était l’archétype même des hommes tels que je les détestais. A vrai dire je n’imaginais absolument pas la femme forte que j’avais en face de moi avec ce genre de personnage. Après tout, ce n’était pas mon problème. Et puis je n’allais certainement pas me tracasser pour Eveline que je venais de rencontrer quelques minutes auparavant. « Si je peux me permettre, vous devriez quand même vous méfier car votre réputation a déjà laissé place à un débat en ville, d’après ce que j’ai entendu dire. Autant en ce qui concerne votre ‘dame de compagnie’ qu’en ce qui concerne votre mystérieux passé en Angleterre.»Qu’est-ce qui me prenait maintenant de la mettre en garde ? Je m’obstinais à me dire que je voulais chaque fois la pousser un peu plus loin pour voir comment elle réagirait mais en réalité, il s’agissait de plus que ça et je le savais. Je ne voulais pas l’avouer, même pas à moi-même, mais au fond, je me reconnaissais un peu en elle et j’admirais la facilité avec laquelle elle maniait ses émotions. Jusqu’où allait-elle aller dans ce jeu d’apparences?

uno

Tiens donc, l’accuser car elle n’a pas eu le temps de se renseigner alors qu’au fond elle n’est pas vraiment plus renseigné qu’elle ? » Pourtant contrairement à moi vous êtes ici plus longtemps que moi… C’est marrant que vous avez pas eu le temps de vous renseigner. » Sourire moquer de la part d’Eveline alors qu’elle continue doucement à marcher. Elles ne savaient pas se perdre, si ? Tant qu’elles ne quittaient pas la ville, ca devrait aller. Kane hein… « Ainsi donc vous appelez déjà mon cousin par le prénom ? » Pourquoi Kane ne lui avait-il donc pas parlé de cette Laurel Rivera ? Est-ce que c’était pour cela qu’il n’avait pas été très content de voir Pearl. Voilà qu’Eveline était d’un coup un peu plus curieux sur la femme qu’elle avait en face d’elle. Quand celle-ci parlait néanmoins de rumeurs. Eveline sourit de plus belle. « Oui, je suppose que c’est une chose que cette ville ai en commun avec Londres. » Oui, elle se doutait bien que son futur mariage avait déjà du faire tourner plusieurs langues. En tout cas si Kane avait en effet pas menti sur le fameux Monsieur Levinton et qu’il était si bien connu que ca. Eveline hoche les épaules. Elle ne comptait pas parler de son ancien mariage, ni de son futur mariage d’ailleurs. « Oui, je présume qu’on adore parler de mariages. Tout le monde aime les fêtes. » Si Eveline ne croyait plus trop aux mariages, elle devait bien avouer qu’en générale elle aimait bien les fêtes et les soirées. Voir tous les gens sur leur 31, la musique, la danse (car eh oui elle adore danser), et puis généralement la nourriture était souvent des plus exquis lors des soirées.

Mmm voilà donc qu’elle la préviens ? Mais de quoi donc ? Ah.. Pearl.. oui sans aucun doute avec ce stupide cocher peu apprécié la remarque qu’Eveline avait faite. Et bien qu’elle savait que Kane voulait qu’elle fasse attention, Eveline avait un peu plus de mal quand il s’agissait de son amie. « Oui… je présume que ca pourrait être choquante d’avoir une personne noire comme dame de compagnie. Mais à vrai dire, en Angleterre les gens ont déjà plus évolués. Et l’esclavage n’existe pas là-bas. Alors c’est sure que ma dame de compagnie est une domestique. Mais c’est également une femme libre. Je ne vois pas en quoi cela devrait changer, on ne change pas de statut en changeant de pays, il me semble ? « Quand à son passé en Angleterre. « J’ai bien peur que mon mystérieux passé en Angleterre en réalité ne soit que très ennuyeux... » Eveline détachait quelques mèches de ses cheveux pour les mettre derrière son oreille. Il faisait bien plus chaud de ce côté du globe qu’en Angleterre. Bien sure elle se doutait bien que la famille Rivera était fort attaché à l’esclavagisme vu que c’était grâce à ca qu’ils avaient fait leur fortune. Mais ce n’était qu’un fait parmi tant d’autres. En Angleterre l’esclavagisme n’existait plus depuis bien des années. « Mon époux était quelqu’un de fort apprécié et nous étions invités à toutes les soirées organisés à Londres et dans les alentours. Cela se résume en quelque sorte qu’à ca. Et toutes celles et ceux qui y trouvent quelque chose de mystérieux doivent avoir une vie bien peu passionnant pour trouver cela si intéressant. » Mais comme toutes les villes, les gens aimaient tout savoir les un sur les autres. Quoi que… on dirait quand même bien que la nouvelle orléans soit plus petit que Londres. A moins que cela ne soit qu’une impression. Eveline s’arrêtait de marcher, visiblement la ville s’arrêtait là. Elle observait de loin le bayou. « Q’il-y-t-il là-bas ? »

J’avais vraiment l’impression d’être une débutante à côté d’Eveline Thorne et cela m’énervait au plus haut point. Pour qui se prenait-elle en se permettant de me faire de telles remarques ? Je sentais que je commençais à rougir au moment même où je remarquai son sourire moqueur. J’avais apparemment encore bien des choses à apprendre avant de parvenir à son niveau. Et voilà maintenant qu’elle m’interrogeait sur ma relation avec Kane. Je me doutais bien qu’il ne lui avait pas parlé de moi, d’autant plus qu’il ne m’avait quasi rien dit sur elle non plus. « Oui, je suppose que Kane n’a pas encore eu l’occasion de vous parler de moi. Nous nous sommes liés d’amitié au cours de ces derniers mois. Il ne m’en a cependant pas dit beaucoup sur vous et m’a laissé le loisir de découvrir qui vous êtes par moi-même. » Et surtout de me faire ma propre opinion… J’étais déçue qu’Eveline ne m’en dise pas un peu plus sur son futur mariage. J’étais cependant convaincue qu’elle ne devait pas encore avoir passé beaucoup de temps avec son futur époux et qu’elle ne savait pas, elle-même, très bien à quoi s’attendre. Par contre, voilà qu’elle commençait à défendre sa dame de compagnie. Les rumeurs étaient donc bien vraies et je venais de trouver le point faible d’Eveline Thorne. Il était clair que l’Anglaise n’avait pas sa langue dans sa poche. Ce qu’elle n’avait pas encore compris, c’est que l’épouse de James Levinson se devait de garder de telles pensées pour elle. D’accord, elle avait probablement l’habitude de ne pas se laisser marcher sur les pieds, et c’était tout en son honneur, mais elle venait de faire une erreur magistrale. Aux Etats-Unis, plus encore qu’en Angleterre, les épouses de maris influents ne sont que des marionnettes et ne peuvent pas clamer haut et fort avoir un avis différent de leur mari. Surtout ici, en ce qui concerne l’esclavage. Eveline l’apprendra tôt ou tard… à ses dépens si elle continuait ainsi. Qu’allais-je bien pouvoir lui répondre à cela ? Ce n’était pas à moi de lui apprendre comment se comporter ici. Et puis, elle me mettait dans une position plus qu’inconfortable car je ne pouvais pas me permettre moi-même de lui dire qu’elle avait raison, et donc de contredire ouvertement mes principes familiaux alors que j’en mourrais d’envie. « Vous devriez faire attention à ce que vous dites par ici et à qui vous parlez. Vos dires peuvent vite se retourner contre vous et je n’ai pas envie qu’il arrive quelque chose à la cousine de Kane. Votre futur époux ne travaille-t-il pas dans l’import d’esclaves ? » J’étais plutôt fière de moi, j’avais réussi à reprendre le dessus de la conversation et c’était maintenant à mon tour d’arborer un petit sourire malicieux. Au fond, Eveline m’amusait beaucoup. Elle avait l’air insouciante, et indépendante. Mon sourire fut de courte durée car elle a été très, voire trop vague pour répondre à ma question sur son passé en Angleterre. Décidément, elle n’avait vraiment pas l’air d’avoir envie d’en parler. En même temps, elle devait bien se douter que les rumeurs circulaient sur le fait qu’elle avait peut-être tué son ex-mari, il est donc normal qu’elle évite le sujet, j’en aurais fait de même à sa place. C’était quand même étrange de me dire que j’étais en train de me promener bras dessus, bras dessous avec une possible meurtrière. L’Anglaise avait donc trois défauts, trois faiblesses : elle n’aimait pas d’être contrariée, elle ne savait pas garder sa langue en poche et elle ne voulait pas du tout parler de son passé. Intéressant. Je gardais ça dans un coin de ma tête car cela me servirait peut-être plus tard.
Eveline s’arrêta d’un coup et me demanda ce qui se trouvait au-delà de la ville. Elle n’avait apparemment toujours pas compris que je ne connaissais rien de la Nouvelle Orléans. Bon, cette fois, tentons une réponse vague mais satisfaisante : « Il s’agit du bayou, une région marécageuse où vivent toutes sortes de gens… différents. Bref, c’est un endroit où il ne fait pas bon vivre et où je vous conseille de ne pas aller. » Il fallait apparemment rendre les choses claires avec Miss Thorne même si je n’étais toujours pas convaincue qu’elle n’aurait pas un jour envie de s’y rendre. Elle semblait n’en faire qu’à sa tête et suivre ses intuitions. J’espère que Kane arrivera à rendre Eveline raisonnable car il n’est pas temps qu’une femme fasse quelque chose de travers et s’élève contre son mari à la Nouvelle Orléans. Je n’avais pas vraiment envie de retourner sur nos pas car je savais que de nouvelles têtes poseraient leur regard sur nous mais je n’avais pas vraiment le choix. Nous étions arrivées au bout de la ville et je voulais en apprendre plus sur l’Anglaise. « Nous ferions mieux de retourner vers la place principale, je ne pense pas que votre futur époux et que ma famille seraient ravis de nous voir si près du bayou. » Peut-être allait-elle enfin comprendre qu’on était toujours observé ici et qu’on ne faisait pas ce qu’on voulait. « J’espère que vous n’êtes pas pressée, j’aimerais en savoir davantage sur vous. Dites-moi, quels sont vos passe-temps ? Que prévoyez-vous de faire de votre temps libre à la Nouvelle Orléans ? » Maintenant que j'étais tombée sur Eveline Thorne, je ne comptais pas la laisser partir de si tôt.

uno

Non en effet Kane ne lui avait rien dit à propos de Laurel. Etrange d’ailleurs vu qu’ils avaient tendance à se dire beaucoup de choses. Enfin elle lui en toucherait un mot la prochaine fois qu’elle ira le voir. « D’amitié hein…. c’est vrai que Kane est au fond un bon parti et il est séduisant. » Oui, Eveline avait beau voir Kane comme son grand frère, elle n’était pas non plus aveugle et elle avait bien vu que les années qui se sont écoulés n’ont été que dans son avantage. Cela lui restait d’ailleurs toujours un mystère pourquoi il ne s’était pas encore lié à une femme. « Oh sans vouloir vous vexer, Kane n’est pas le genre d’homme à aimer parler sur des gens, ca ne me surprend donc pas vraiment qu’il ait dit peu de choses à mon sujet. » Il n’aimait pas participer à des ragots, et c’était tout à son honneur. Étrangement Eveline avait l’impression que Laurel ne se sentait pas très à l’aise. Est-ce qu’elle n’aimait pas se promener dehors sans réellement savoir ou aller ? Ou est-ce qu’au final elle commençait à regretter de lui avoir adressé la parole ? « Oh vous savez, si il y a des gens qui comprennent mal mes paroles, c’est qu’ils sont limités en intelligence et donc pas la peine de cotoyer. » Pourquoi Eveline avait-elle donc l’impression de devoir tout lui expliquer ? Ce n’était pourtant pas une novice, vu la manière dont elle tournait ses phrases. « Vous voyez, ma très chère Laurel… Je n’ai soulevé que la vérité historique. Ce n’est qu’un simple fait qu’à Londres l’esclavage n’existe plus. Et même économiquement parlant quand je dis que Londres n’a pas besoin de cela pour s’épanouir, ce ne sont que des simples faits. En disant cela, je n’ai ni dit si j’étais pour ou contre l’esclavage. » Eveline Thorne n’était pas stupide, elle n’allait pas prendre partie dans tout ca, du moins pas à haute voix. C’était trop tôt. Et puis comme venait soulevé la miss en face d’elle, son futur époux était en plein trafic d’esclavage, ça serait que mal vu. « En effet, il a bien des parts dans le marché des esclavagistes. Mais je ne suis pas le genre de femme à prendre part dans le monde des affaires. » Et puis, Eveline n’avait pas encore bien cerné James, alors elle préférait rester prudente.

Légèrement intrigué par ce qu’on semblait donc appeler le bayou. Des personnes peu fréquentables et des marécages. Eveline se demandait bien ce qui se pouvait donc cacher là-dedans. Mais pour le moment, elle allait suivre les conseils de Mademoisselle Rivera, et elle hochait la tête d’un signe affirmative. Oui, retournons vers la place principale. « Vous avez probablement raison, retournons. » Si néanmoins Laurel avait été mal à l’aise pendant un certain temps, elle ne semblait pourtant pas vouloir la laisser partir. « L’équitation est une de mes ferventes passions. Passion que semble partagé mon mari vu l’énorme écurie qu’il a. Mise à part cela, j’allais souvent au théâtre à Londres. » Mais y-avait-il au moins quelque chose de ce genre à la Nouvelle-Orléans ? « Et vous donc ? Comment est-ce que vous avez occupé vos journées depuis que vous êtes arrivés ici ? » Car si elle ne connaissait toujours pas la ville, c’était qu’elle avait du rester enfermé chez elle. A quoi faire ? Tricotter ?

Eveline semblait être très proche de Kane et cela ne faisait que renforcer ma curiosité quant au fait qu’il ne m’avait pas beaucoup parlé d’elle. En tout cas, Eveline semblait avoir l’art de protéger les personnes auxquelles elle tenait et c’est vraiment quelque chose que j’admirais chez elle. Je n’étais pas très à l’aise de parler de Kane en son absence, c’était surtout dû au fait que j’avais beaucoup de mal à expliquer notre relation à une inconnue. Enfin, inconnue pour moi en tout cas.
Eveline était manifestement très intelligente. Tous ses mots semblaient calculés. J’avais l’impression d’être traitée comme une enfant à qui il fallait expliquer une chose tellement simple. Ce qui n’était à nouveau pas dans mes habitudes. Je ne m’étais jamais sentie aussi… perdue et impuissante en la présence de quelqu’un. J’étais toujours celle qui menait la conversation exactement comme je l’entendais. En réalité, Eveline Thorne n’arrêtait pas de m’étonner. Je ris doucement de cette situation totalement inattendue et nouvelle et répondis à son explication : « Et bien, je reconnais qu’effectivement, la réalité historique ne ment pas. Par contre, les apparences sont souvent trompeuses. Et ne nous leurrons pas, je présume quand même que vous êtes contre l’esclavage. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que ma famille possède plus d’esclaves que n’importe qui dans cette ville. Pour être honnête, et sans me prononcer quant à l’esclavage, je tiens à vous dire que je trouve que l’Angleterre est un pays incroyable à bien des niveaux. Les Etats-Unis devraient prendre exemple sur cette remarquable île européenne, qui semble avoir compris de nombreuses choses avant nous et où tout paraît si civilisé. » Eveline se rendrait peut-être compte que je n’étais pas uniquement son ennemie dans cette lutte contre l’esclavage même si, au fond, je devrai toujours, contre mon gré, me ranger du côté des esclavagistes.
J’étais très étonnée que miss Thorne accepte de retourner vers la ville, plus fréquentée, et qu’elle n’insiste pas sur le bayou. Miracle, elle avait peut-être compris que c’était dangereux et elle n’y mettra pas les pieds de sitôt. Lorsqu’Eveline évoqua ses sorties culturelles au théâtre, je souris en repensant aux pièces auxquelles j’avais assisté. « J’avais moi-même l’habitude de me rendre régulièrement au théâtre à Boston. Shakespeare est mon dramaturge favori. Vous avez également dû voir bon nombre de ses pièces à Londres. » J’aurais dû me douter qu’Eveline Thorne aimait se rendre au théâtre. On y apprenait énormément, mais les pièces nécessitaient bien souvent une certaine culture, un certain raffinement, ce qui faisait que bien des gens pensaient comprendre ce qui se passait sur scène alors qu’ils n’en saisissaient même pas la moitié. « Pour être honnête, je n’ai pas vraiment fait grand-chose pendant ces trois premiers mois. J’ai beaucoup lu et puis je me suis un peu lamentée sur mon sort car Boston me manque énormément. J’espère que vous n’aurez pas autant le mal du pays. J’aide également le comptable de mon père, Charles et cela me prend pas mal de temps. Enfin, heureusement que votre cousin était là pour me changer les idées. Et puis, je dois reconnaître que votre arrivée a également bien occupé mes journées car il y avait vraiment beaucoup de rumeurs qui circulaient. » Je lui fis un clin d’œil avant de me dire que j’étais peut-être allée trop loin. Et puis non, j’avais bien fait. Peut-être allait-elle maintenant essayer d’en savoir plus sur les rumeurs qui couraient à son propos. Sans doute savait-elle de quoi il s’agissait. Kane lui en avait peut-être même déjà parlé. Quoique, il n’avait probablement pas voulu la faire souffrir. Mais bon, d’un autre côté, Eveline Thorne semblait être une femme qui se moquait éperdument de ce qu’on pouvait dire et penser d’elle. « Mais dites-moi, pour vous qui avez passé toute votre vie à Londres, quelles ont été vos premières impressions en arrivant aux Etats-Unis ? La traversée s’est-elle bien passée ? Le bateau est un moyen de transport peu apprécié par beaucoup. Vous accommodez-vous de la chaleur ? Boston connaît un climat comparable à celui de l’Angleterre, je pense donc que nous devons toutes les deux nous habituer à ce changement de température. Ce n’est pas désagréable mais j’ai du mal à m’y faire pour ma part. » Voilà maintenant que je commençais à lui raconter mes états d’âme comme si nous étions les meilleures amies du monde. Où tout cela nous mènerait-il ? J’avais en tout cas beaucoup de mal à la cerner mais j’étais curieuse, je voulais en savoir plus sur elle et essayer de comprendre comment elle fonctionnait. Ce qui n’était pas gagné, apparemment.

uno

Pensait-elle sincèrement qu’Eveline allait lui répondre en toute honnête sur cette question ? Pour ou contre l’esclavage ? Bien sure que non. Elle secouait doucement la tête. « J’ai bien peur ne pas encore su faire mon opinion sur le sujet. Je viens après tout à peine de débarquer et cela serait mal venu si j’avais déjà une réponse toute fait sur un sujet donc je connais que très peu. » A Londres cela n’existait plus, bien sure les domestiques restaient des gens à ne pas fréquenter. Mais de là à dire que ces personnes n’avaient aucune droit sur leur vie, leur corps… non cela ne se voyait plus du tout en Angleterre. Eveline hochait néanmoins la tête. Oui oui, elle connaissait les Rivera de réputation et connaissait bien leur trafic d’esclavages. Néanmoins la brunette arquait un sourcil en entendant la suite des paroles de la blonde. Etait-elle en train de rêver ou est-ce que Laurel mettait son pays natale sur un pied d’estal ? Se moquait-elle d’elle ? Eveline scrutait son visage, à la recherche d’une trace de moquerie, mais n’en trouvait guère. Une chose était certaine, elle n’allait pas tarder à demander plus d’informations à Kane. Est-ce qu’ils étaient réellement de si bons amis comme elle semblait le prétendre ? Et si oui, que devait-elle penser de la Rivera en face d’elle ? Si au début Eveline ne la trouvait pas du toute intéressante, et la voyait comme une des milliers parasites à la recherche de quelques rumeurs à se mettre sous la dent. Elle doit dire qu’au fil du temps Laurel arrive à capter un peu plus son attention. « Vous devriez y aller, visiter, voir de vos propres yeux. » Certes le voyage n’était pas toujours des meilleurs. Mais Londres en fallait la peine, ah mais c’était peut-etre l’âme anglaise qui disait ca.

« Oh non autant que j’adore Londres, cette partie de ma vie est terminé. Je préfère aller de l’avant plutôt que de regarder derrière moi. » De toute manière même si elle le voulait, ca serait vraiment une très stupide chose de sa part de retourner là-bas. Trop de choses s’étaient passés, trop de rumeurs circulaient. Et puis de toute manière, il y avait aussi beaucoup de mauvais souvenirs. Autant les garder enterrer là-bas et de ne plus y penser. « Mmm j’espère au moins que ca soit des rumeurs flatteuses. » Mais ce qu’elle aimerait surtout savoir c’était comment était son futur époux, Kane avait été très vague à son sujet et ca ne convenait pas à Eveline , bien sure voulait en savoir bien plus.

Étrangement si au début Laurel n’avait fait que de la canarder de questions, voilà qu’elle commençait quasi un monologue sur ses états d’âmes. Mmm d’accord, en parlant d’un changement radicale d’attitude. » Oh non je vous déconseille le bateau comme moyen de transport. C’est horrible, c’est long et on se demande si un jour on va revoir la terre. » Non cela avait été un voyage fatiguant et pénible. Après le voyage en carrosse n’avait pas non plus été des plus convenables. « Je ne pense pas que j’aurais du mal à m’acclimatiser. Il pleut la plupart des jours à Londres, ce qui rend les promenades pas toujours possible. Je pense qu’ici j’aurais plus de temps à être dehors. » Oui, au moins ici elle allait pouvoir monter plus souvent à cheval, et puis aussi peindre dehors. Rien que l’idée lui plaisait déjà beaucoup. « Je présume que vous avez du laisser beaucoup d’amies derrière vous à Boston ? » Quitter Londres n’avait pas été fort difficile pour Eveline, car la seule réelle amie qu’elle avait l’accompagnait. Alors elle n’avait pas du dire au revoir à qui ce soit.

Je me doutais bien qu’Eveline ne me répondrait pas clairement quant à sa position sur l’esclavage. Elle était bien trop intelligente pour cela. Après, j’avais moi-même pris un risque en essayant de lui faire comprendre que j’étais contre l’esclavage et je le regrettais presque puisqu’elle ne m’avait rien lâché. Ce n’était pas très juste.
Aller visiter Londres, elle en avait de bonnes elle. Je ne demandais que ça, moi ! Si seulement je pouvais faire ce que je voulais. Pourtant j’avais déjà beaucoup voyagé mais je ne m’étais encore jamais rendue en Angleterre. Je ne comprenais pas du tout comment on pouvait quitter un pays aussi civilisé que l’Angleterre pour cette nation sur le point de débuter une guerre civile. Enfin bon, je devais reconnaître que si j’étais à la place d’Eveline, j’aurais probablement fui moi aussi. Je suppose que les rumeurs étaient encore pire de l’autre côté de l’Atlantique. Heureusement qu’elle habitait à Londres et pas dans un petit village où les rumeurs se répandaient partout, plus vite qu’une traînée de poudre. La réponse d’Eveline sur sa traversée en bateau me fit sourire. « Et bien, en ce qui me concerne, j’adore le bateau. Ma famille possède un navire, amarré à Cape Code. Nous naviguions très régulièrement. Il est clair que je ne connais que notre bateau. Je n’ai jamais voyagé sur un paquebot avec d’autres gens et je pense que je n’apprécierais guère le voyage. » Elle devait sûrement déjà se dire que j’étais prétentieuse. Au moins, elle aurait une bonne raison. « Ah ça, c’est certain qu’ici vous pourrez passer énormément d’heures dehors. Vous avez l’air de bien aimer votre liberté et votre indépendance, de ce fait, de ce que j’ai vu de la Nouvelle Orléans, c’est la ville parfaite pour vous. » Ce qui m’inquiétais plutôt, c’est que j’espérais qu’elle pourrait continuer à faire ce qu’elle voulait une fois qu’elle serait mariée et qu’elle ne serait pas aussi limitée que moi dans ses paroles, opinions et actions. « Cela m’étonne que vous vous promeniez seule dans cette ville, sans personne pour assurer votre sécurité et ce, malgré votre statut. » Je n’arrêtais pas de lui reprocher des choses que je faisais, moi aussi. Elle allait probablement s’en rendre compte directement, j’aurais dû réfléchir avant de lui faire part de mon étonnement. « Oui, j’avais beaucoup d’amis à Boston et j’ai dû tous les laisser derrière moi. C’est probablement pour ça que j’ai énormément de mal à m’habituer à la vie ici. D’un autre côté, entre nous, j’étais mariée et mon mariage n’était pas des plus heureux. J’étais donc contente de m’installer loin de mon ex. »
Maintenant que je parlais avec l’Anglaise et que j’apprenais à la connaître, je me demandais vraiment si elle était capable de meurtre. Après tout, on m’avait toujours dit que tout le monde était capable de commettre l’irréparable dans des situations extrêmes. Au fond, c’était peut-être vrai. En tout cas, Eveline ne ressemblait en rien à une meurtrière. Peut-être avait-elle dû faire face à une situation extrême ? Cela resterait un mystère puisque je n’allais certainement pas poser la question à Kane et encore moins à la veuve directement. Elle n’avait pas l’air de vouloir se confier ni donner son avis. J’avais déjà l’impression qu’elle n’était pas toujours très franche. Je n’allais donc pas l’interroger sur le sujet. Enfin, si j’arrivais à me taire en tout cas parce que ce n’était pas mon fort. « Je n’ai même pas encore eu l’occasion de vous demander si tout se passait bien avec Mr Levinson ? Avez-vous des enfants de votre précédent mariage ? » Cette relation m’étonnait vraiment beaucoup et je voulais entendre ce qu’Eveline avait à dire sur le sujet. Certaines rumeurs parlaient d’un mariage arrangé. En tout cas, si James Levinson était tel que ce qu’on disait de lui, l’Anglaise aurait du mal à garder son indépendance et sa liberté d’actions. Bienvenue dans ce monde où les riches hommes blancs détiennent le pouvoir et où la femme est soumise. Tout ce que je déteste !

uno

Mmm Eveline n’était pas vraiment d’accord avec les paroles de Laurel. C’est vrai que quelque part ici elle aurait plus d’occasions d’être dans la nature, d’être seule. Mais de là à dire que c’était la ville parfaite pour la liberté. Eveline trouvait cela assez ironique venant de la part d’une vendeuse d’esclaves. « Mmm laisser moi malgré tout en douter. Vu les regards curieux des gens. Je pense qu’on ne peut nullement être libre de ses propres gestes tant qu’on a des autres yeux qui nous observent. » Et elle ne se faisait pas d’illusions. Londres ou la Nouvelle-Orléans. Ca allait être la même parodie partout. Sourire, dire ce qu’on attendait, et être présentable. Ma foi cela ne la dérangeait pas vraiment. Elle avait l’habitude de faire semblant, à croire que c’était même devenue comme porter un vieux manteau. Quand à sa sécurité, Eveline hôchait les épaules. « Je n’ai guère aimer le cocher qu’on m’avait attribué. Et je n’ai pas encore trouvé la personne adéquate pour le remplacer. » Non, après que le malheureux eu l’idée d’interrompre une conversation entre Kane, Pearl et elle. Tout en dénigrant Pearl… il s’était bien cassé les dents face à Eveline. Qui n’avait dulgé aucune interruption dans une conversation et encore moins qu’on s’attaque à Pearl. Eve savait parfaitement qu’elle s’était déjà fait un ennemi mais au fond elle se fichait bien. Il n’allait pas trop parler car elle s’était assurée que si jamais il ose dire du mal, elle allait personnellement s’assurer que personne en ville voudrait encore de ses services. Quelque part l’utilisation de son futur nom de famille l’avait déjà donné du pouvoir, et elle adorait ca.

Son mari… bonne question. « Tiens donc… J’aurais cru que vu les rumeurs qui courent à mon sujet, certains auraient quand même parler de ma descendance ? Mais non. Je n’en ai pas eu. J’ai bien peur que mon précédent époux n’était pas apte à en avoir… du moins selon les dires du médecin. » Et pour cause, Ev’ s’en était bien assuré. Dès la première fois qu’il l’ait frappé, elle s’était arrangé que tous les matins il y avait quelques graines de son potager personnelle, pour s’assurer que jamais elle allait avoir des enfants avec un tel monstre. Bien sur, il ne l’a jamais su, et une chance sinon elle ne serait sûrement plus de ce monde. « Et pour ce qui est de mon fiancé, c’est Kane qui a tout arrangé. Je me fie à son jugement. Et pour l’instant je n’ai pas encore eu beaucoup de temps pour apprendre à le connaître. Les affaires le réclament. « De toute manière, Eveline ne souhaitait pas plus que ca apprendre à le connaître. Son précédent mariage n’avait été que catastrophe au sein du couple, bien que face au monde c’était un couple parfait.

« De toute façon, vous avez l’air habituée par les regards et les jeux d’apparence. Je suis bien placée pour dire que c’est quelque chose qui s’apprend petit à petit et vous semblez être parvenue à un niveau de maîtrise remarquable. » Après tout, c’était vrai, alors autant lui faire part de mes pensées. « Je pensais pourtant que Londres était une ville tellement grande, qu’il était facile d’y passer inaperçu. Enfin je suppose que les rumeurs circulent là-bas aussi. » Surtout les rumeurs selon lesquelles Eveline avait assassiné son mari. Ca, c’est ce que je me contentais de penser car je n’allais pas lui dire une chose pareille, je trouvais déjà que je me permettais parfois d’aller un peu trop loin. Je n’avais pas entendu parler de l’histoire du cocher, ce qui m’étonna par ailleurs. J’allais devoir me renseigner pour savoir ce qui s’était passé ! Le pouvoir appartient à celui qui détient l’information et je ne supportais pas être laissée dans l’ignorance. « Le cocher vous-a-t-il manqué de respect ? » Je me dis qu’en lui posant une question, j’allais peut-être en apprendre davantage… enfin j’en doutais quand même car Miss Thorne n’était pas du genre à s’étendre sur sa vie. Qui ne tente rien n’a rien et j’espérais quand même avoir quelques informations sur cette fameuse histoire. « Et bien étonnamment, non, aucune rumeur ne concernait votre descendance. Et puis, je ne participe pas beaucoup aux rumeurs, vous savez, je préfère me renseigner à la source. Au moins, presque tout ce qu’on apprend est ainsi correct. » Excellente celle-là. Bon, il était vrai que je ne répandais pas les rumeurs, mais j’aimais quand même énormément les entendre et savoir ce qui se passait à la Nouvelle-Orléans. Ainsi donc l’Anglaise n’avait jamais eu d’enfants. « Excusez-moi de vous avoir fait pensé à votre ex-mari. En parler doit toujours évoquer des souvenirs très douloureux pour vous. Enfin, son décès je veux dire… Vous êtes venue ici pour vous changer les idées et voilà que je vous ramène à penser à lui. Pourtant, je suppose que l’on vous questionnera encore de temps en temps à son propos. Les gens sont d’une curiosité malsaine même si beaucoup se contentent des rumeurs et peu osent poser ouvertement des questions. » Je n’avais jamais compris pourquoi les gens n’étaient pas franches et ouverts. Je n’étais pas du genre à me laisser marcher sur les pieds et à obtempérer sans commentaire lorsque je n’étais pas d’accord, contrairement à de nombreuses femmes. Il était vrai qu’être une femme indépendante et libre était plutôt compliqué dans cette société et beaucoup se pliaient aux règles établies pas les hommes. Ce qui n’était pas mon cas. « Oui, vous semblez être proche de Kane et je suis certaine que son choix ne peut que s’avérer excellent. Vous aurez probablement l’occasion de faire connaissance avec Monsieur Levinson très bientôt. Je reconnais que c’est une période plutôt chargée pour le commerce d’esclaves, mon père est également très occupé pour le moment. » Et je n’allais pas m’en plaindre ! Moins je le voyais, mieux je me portais. J’avais ainsi l’opportunité de mener ma vie comme je l’entendais. Quel bonheur !
« Mais dites-moi, connaissez-vous cette Pearl depuis longtemps ? »

uno

« Il est préférable qu’une femme garde ses pensées pour elle. » Eveline ne voyait pas spécialement ceci comme un jeu mais comme la fatalité. Trop de choses étaient en jeu quand on réveillait ce qu’on pensait réellement. Et puis quelque part, son caractère était fait pour garder tout ces secrets au fond de son coeur. Eveline ne se confiait réellement que très rarement. « Londres est en effet plus grand qu’ici. Mais les cercles de la haute societé ne sont pas si grandes que ca. » Non en effet chacun continue à circuler dans son propre circle et au final au plus haut qu’on va au plus que les cercles se referment. Et les rumeurs y circulent très vite, surtout que la plupart de ces femmes n’ont rien d’autre à faire. Et on ne peut les en vouloir… Au fond prendre un travail serait mal vu. Eveline par contre pouvait se consacrer à sa peinture, et s’éloigner un peu de toutes ces personnes qui aiment faire circuler des rumeurs sur tout et sur rien.

Eveline posa son regard quelques instants sur Laurel, pesant le pour et le contre. Puis finalement decida de répondre à sa question. « Disons qu’à Londres je n’ai pas pour habitude que les domestiques ni valets écoutent et encore moins interrompent une conversation entre mon cousin et moi. » Bon le fait qu’il l’avait également enervé en traitant Pearl de la sorte, elle n’en fit pas part. Mais ce n’était pas pour autant un mensonge. Eveline qui était très traditionelle n’aimait pas du tout qu’un domestique vienne se mêler d’une conversation. Encore moins pour dire ce qu’elle devait faire. « Et le pire… C’est qu’il me disait ce que je devais faire… Moi qui voulais marcher, j’étais censé monter en carrosse. Alors que j’avais été asssise dedans depuis des heures. Enfin… je l’ai remise à sa place et je doute fort qu’il ai apprécié. » Maintenant si la rumeur ne s’était pas propagé, c’était que les menaces qu’Eve avait effectué à l’adresse du cocher avaient été efficaces.

« Oui en effet je ne pense pas que mon futur époux appréciera guère qu’on me parle sans cesse de mon défunt mari. Ce n’est pas très juste par rapport à lui, n’est-ce pas ? » Et pour la part d’Eveline c’était tout ce que les gens allaient savoir sur ce qui était oui ou non passé à Londres. Eveline ne savait rien d’autre répondre lorsqu’elle fit part des commerces d’esclaves. Elle ne s’y connaît pas, et cela ne l’intéressait pas plus que cela. De toute manière les affaires en général ne l’intéressent très peu. Elle hausse les épaules quand on parle de Pearl. « Depuis ma jeunesse. Pourquoi ? »

Garder ses pensées pour soi. Oui, en effet, c’était préférable même si c’était parfois très compliqué d’être sans cesse reléguée au second rang. J’avais toujours eu beaucoup de mal à m’y faire, même si forcément, nous y étions toutes contraintes. Je n’osais imaginer ce que ressentaient les esclaves. Je déplorais le manque d’humanité dont la plupart des riches faisaient preuve et cela me rongeait de ne pouvoir m’exprimer sur le sujet. Heureusement que Kane était là… Il était vraiment le seul à connaître ma réelle position quant à l’esclavage. « Cela ne m’étonne pas vraiment que les rumeurs circulent rapidement à Londres également. Certains ne vivent que pour ça ! Je me demande si ça les rend heureux d’ailleurs.» Depuis que je suis arrivée à la Nouvelle Orléans, et étant donné que je ne suis pas encore beaucoup sortie du manoir, tout le monde n’avait de cesse de me dévisager en rue. Je commençais à m’y habituer. Et de toute façon, cela ne me dérangeait pas le moins du monde puisque je me moquais royalement de ce qui pouvait bien se dire sur moi. Je devais donner l’impression d’être une vraie petite princesse hautaine et cela me convenait. Au fond, j’étais bien plus que ça, mais je détestais m’ouvrir réellement aux autres. Personne n’avait besoin de savoir que j’étais plus fragile que je ne le laissais paraître. C’est quand même marrant, ou plutôt devrais-je utiliser le terme intriguant, cette faculté qu’à l’être humain à prétendre. Prétendre que tout va bien, prétendre qu’on est quelqu’un d’autre que qui on est réellement.
Lorsqu’Eveline me raconta l’histoire du cocher, je ris. Décidément, elle ne se laissait vraiment pas marcher sur les pieds « Vous avez bien fait. Les gens ici ne sont pas habitués à ce que les femmes leur répondent. Même les hommes de statut inférieur se croient supérieurs à nous et le pire, c’est que bien souvent, ils n’obtiennent aucune réaction car les femmes ont tellement l’habitude d’être reléguées au second rang qu’elles ne disent plus rien. Cela me fait plaisir de voir que vous êtes différente. J’espère que même ici, vous garderez cet état d’esprit. »
C’était vraiment incroyable la manie qu’Eveline Thorne avait de chaque fois éviter de parler de son ancien époux. Souhaitait-elle réellement ne plus penser à lui car cela la rendait triste ? Ou y avait-il une autre raison ? J’étais persuadée qu’elle cachait beaucoup plus que ce qu’elle ne voulait laisser penser. « Vous avez raison, autant ne pas parler du passé. Il y a des choses qu’on préfère oublier, je suis tout à fait d’accord avec vous. » Oui, en effet, je préférais personnellement oublier tout ce qui s’était passé avec Matt et ce mariage rempli d’obligations et de malheur.
Pas très loquace à propos de sa dame de compagnie non plus. « Oh, vu que vous semblez être tellement proches, je me demandais pourquoi… Je comprends mieux maintenant, vous vous connaissez depuis de nombreuses années. Vous m’avez dit que vous aimiez l’équitation. Possédiez-vous des chevaux à Londres ? Vous devez être très heureuse des grands espaces, ici. Vous aurez tout le loisir de pratiquer votre passion. »

uno

Eveline ne se voyait pas spécialement comme une femme forte. Avec tout ce qu’elle avait vécue dans son mariage précédente, elle n’avait vraiment pas été quelqu’un de forte. Non, elle survit mais elle n’était pas quelqu’un de fortt. Du moins à son avis. Eveline avait tout bonnement été éduquée comme telle. Elle savait qui elle était, elle connaissait sa situation, et elle n’aimait pas que quelqu’un surpasse sa propre situation. Après tout elle était fière d’avoir du sang noble dans ses veines et ce n’était sûrement pas un cocher qui allait lui dicter sa conduite. « Je dois avouer que j’ai quand même été fortement surprise de voir la facilité qu’il avait à surpasser sa situation… J’espère que ce n’est qu’un individu et que de tels libertés ne soient pas permises par d’autres. » oui, pendant un instant elle s’était même demandé si elle avait quitté le monde civilisé pour un monde barbaresque ou les coutumes et la politesse ne semblait être que du vent. Elle ose espérer que non.

Tiens donc…. Après tant d’efforts, voilà que Miss Rivera abandonne enfin l’idée de connaître la vérité sur les rumeurs. Bien… ca aurait prit du temps avant qu’elle finisse par comprendre que les lèvres d’Eveline était scellé en ce qui concernait son mariage précédent. Encore une fois, question d’éducation. Elle avait apprit que tout ce qui se passe dans un mariage ne put en aucun cas se faire savoir à l’extérieur de la maison. Ainsi peu de gens étaient réellement au courant que son époux n’était rien d’autre qu’un tyran. Dans le beau peuple de Londres cela avait été un homme serviable, gentil et honorable. En coulisse néanmoins cela avait été un monstre. Mais comme le veut son éducation, Eveline avait mit son plus joli masque et jouer la comédie comme une bonne épouse le ferait. Cela faisait ni d’elle quelqu’un de forte, simplement une bonne actrice. Et encore aujourd’hui elle ne comptait pas parler de ce qui s’était passé dans la chambre à coucher ou encore dans la maison. Laurel semblait également oublier le sujet Pearl. Bien, car quand il s’agissait de son amie, Eveline devenait méfiante. Elle comprenait très bien que son amitié avec Pearl n’était pas vu d’un bon œil et elle n’avait en aucun cas envie d’alimenter le feu des rumeurs. Laurel passait sur un autre sujet, les chevaux. Mmm avait-elle réellement abandonner son envie de découvrir plus sur les rumeurs, ou est-ce que ce n’était qu’une manière espiègle pour arriver à ses fins ? Oui, j’ose l’espérer. A Londres l’équitation était rare. Il fallait se rendre en dehors de la ville pour pouvoir pratiquer. Ainsi donc ne pouvais-je pas en faire autant que j’aurais voulu. J’ose espérer qu’ici ca en sera autrement. « Seul l’avenir nous le dira. « Mais dites-moi… et vous ? N’avez-vous pas envie de vous marier ? Vous êtes jeune, belle, riche… les hommes doivent bien vous tourner autour. »

« Je suppose qu’il s’agissait bien d’un événement à part qui ne devrait plus se reproduire. Et puis de toute façon, une fois que vous serez mariée et que les gens vous associeront directement à James Levinson, je présume que vous n’aurez plus aucun problème. Le pouvoir va de pair avec le nom. C’est fou comme la société fonctionne au pouvoir. » Et oui, on avait de la chance d’être né du bon côté du monde et avec la couleur de peau associée à la classe supérieure. Je savais reconnaître ma chance contrairement à la majorité de la population de la classe supérieure pour qui cette situation était innée et naturelle.
Je n’avais personnellement jamais beaucoup aimé l’équitation. J’aimais mieux m’asseoir dans un carrosse et me laisser conduire, mais surtout marcher. Je n’avais toujours eu confiance qu’en moi-même, ce qui excluait toute confiance envers les autres mais aussi envers les animaux. Je préférais me rendre où je le désirais à la simple force de mes jambes et de mes pieds, je pouvais ainsi aller où je le désirais quand je le désirais et en toute discrétion. Je pouvais m’arrêter, ralentir ou accélérer facilement sans être repérée.
Je fus surprise lorsque Eveline m’interrogea sur ma vie sentimentale. C’était la première fois que l’Anglaise me posait une question réellement personnelle, et la première fois qu’elle me flattait. J’avais l’impression de percevoir une sortie d’ironie dans sa voix, sans savoir si je me faisais des illusions ou pas. « Vous savez probablement tout comme moi que le mariage est moins une question d’envie que d’obligation, pour des femmes de notre position. Je ne crois pas en l’amour au premier regard mais je suis convaincue qu’une sorte de lien artificiel peut se construire au fil du temps. Mais si vous désirez la vérité, je suis toujours officiellement une femme mariée, enfin sur papier uniquement car mon époux vit à Boston et notre mariage est pour ma part bel et bien terminé. Bref, je ne souhaite pas que toute la ville soit au courant puisque je me considère comme libre et célibataire. » Non, vraiment aucun lien ne s’était construit avec Matt et ce n’était pas plus mal car je ne supportais pas ce genre d’individu. D’ailleurs, il me faisait penser à James Levinson. Tous les deux aussi égocentriques l’un que l’autre. J’espérais que cela allait mieux se passer pour Eveline que pour moi. A vrai dire, j'avais envie de tester Eveline. Je me demandais si elle allait garder ce que je venais de lui dire pour elle ou si elle allait très vite trouver sa place dans la population locale et commencer à diffuser des rumeurs comme tout le monde par ici.
On était arrivé sans le vouloir sur la place du marché et en plein milieu d’une vente d’esclaves. Une vraie foire. Les coups de fouet retentissaient dans l’air.
« Quelle est votre opinion sur les armes en général ? En avez-vous déjà utilisé par le passé? Je suppose que vous n’avez pas l’habitude d’utiliser la force avec vos esclaves ?!» Bon, peut-être que j’allais quand même en apprendre davantage finalement ?

uno

Eveline réfléchissait a ce qu’elle venait d’apprendre. C’était assez étrange d’être officiellement mariée, mais de se faire passer pour une femme célibataire. A vrai dire c’était bien la première fois qu’elle entendait une telle chose. Et personnellement elle ne savait pas trop ce qu’elle devait en penser. Elle portait le nom de son mari mais n’en fut guère profit vu qu’elle se fit passer pour une simple célibataire. Certes cela lui donnait beaucoup de liberté, elle ne devait en premier lieu pas chercher un autre époux. Maintenant d’un autre côté le jour ou elle trouvait vraiment quelqu’un à son goût, ca risquait de poser soucis. Et puis aussi. « En effet cela vous donne une grande liberté…. Mais vous ne souhaitez pas avoir d’enfants ? » Et puis ce genre de relation, cela va de deux côtés. Si jamais lui il voulait avoir une descendance, il allait devoir trouver nouvel épouse. Tôt ou tard est-ce que ce conte de fée qu’elle semblait vivre n’allait il pas la rattraper ? Ah et puis de toute manière cela ne la regardait pas, si ? En tout cas si elle avait soupçonné qu’il y avait plus que de l’amitié entre elle et Kane, cela disparaissait légèrement maintenant qu’elle le savait malgré tout encore mariée. Même si au fond cela ne voulait pas dire beaucoup et il fallait quand même qu’Eveline enquête auprès de Kane.

C’était une des premières fois qu’Eveline voyait une vente aux esclaves. Et malgré le fait qu’elle était au courant de ce genre de pratique. Elle n’aurait jamais pu s’imaginer la barbarie que c’était. Elle commençait à mieux comprendre pourquoi Kane avait voulu que Pearl reste à Londres. Eveline ne quittait pas du regard le marché. Et c’était donc ca dans quoi trempait son futur mari ? Mmm elle comprenait que cela pouvait rendre les gens riches, mais quand même… était-elle donc la seule à voir la barbarie de tout ca ? Même la vente aux animaux ce passe dans des meilleures conditions…. « Je n’ai pas d’esclaves. » Enfin ca allait changer dans la maison de son futur epoux. Mais Eveline n’avait eu que des domestiques et non elle n’avait jamais levé la main sur aucun d’entre eux. Si ils convenaient pas, elle les virait, point barre. Finalement Eveline détournait le regard de cette barbarerie pour se tourner vers Laurel. « Non je n’ai jamais utilisé le fouet autre que pour monter à cheval. Et vous ? Comment faites-vous obéir vos esclaves... » Kane aurait quand même pu la prévenir sur la barbarerie grotesque que tout cela était.

Je voyais bien qu’Eveline avait l’air plutôt perturbée par ce que je venais de lui raconter. J’aurais peut-être dû m’abstenir d’ailleurs. C’est vrai que c’est quelque chose que les rares personnes à qui j’en avais parlé, n’avaient pas comprise. Mais bon, c’était encore une décision de mon père et je ne savais pas moi-même l’expliquer, même si la situation me convenait. Je ne comprenais cependant pas très bien les intentions de mon père sur ce point. Il était vrai que le divorce n’était pas commun dans les mœurs, et donc mon père était persuadé que cela nuirait à la réputation de la famille. Un des moyens de ne plus être mariée sur papier était la mort de mon ex-mari. Mais contrairement à Eveline, je n’allais pas le tuer. La pauvre, si ça se met, elle ne l’avait même pas tué. Non, cela ne me ressemblait pas de plaindre quelqu’un. D’autant plus qu’Eveline ne semblait pas être une personne qui voulait qu’on la prenne en pitié. Mais je ne savais pas pourquoi, je commençais à apprécier Eveline. Elle n’était pas conventionnel et cela me plaisait. Je n’arrivais vraiment pas à décider si je pensais qu’elle pourrait être capable de tuer ou non. Tuer pour survivre, oui. Mais était-il question de vivre ou survivre dans cette histoire ? Difficile à dire tant que je n’en apprenais pas plus, et cela risquait de ne pas arriver vu qu’Eveline gardait le silence. « Des enfants ? Je suppose que je vais bien finir par devoir avoir un garçon pour continuer la descendance Rivera. Mais à nouveau, c’est plus une question d’obligation que d’envie. Je suppose que vous n’allez pas y échapper non plus avec Levinson. » Je me demandais si elle-même y avait déjà pensé. Parce que je ne doutais pas que Levinson était comme tous les autres et ne désirait qu’une seule chose, une descendance pour reprendre ses activités et l’élever à son image tout comme mon père avait essayé de le faire avec moi. J’étais persuadée qu’il regrettait toujours de ne pas avoir eu de garçon. Il devait se contenter de moi, tant pis si ça ne lui convenait pas. Au fond, j’étais sûre que je lui ressemblais à bien des égards même si je cela ne m’enchantait guère de l’admettre.
« Vous n’avez pas d’esclaves ? » Alors là, je ne m’attendais vraiment pas à cette révélation. Je sentais qu’Eveline n’était pas du tout à l’aise dans cet environnement. Rien qu’observer la vente semblait la déranger. Et en toute honnêteté, je n’aimais pas y assister moi non plus même si pour moi, cela faisait partie de la norme et je n’avais pas besoin de détourner le regard, contrairement à l’Anglaise. Je me demandais quand même quelle réaction Levinson aurait lorsqu’il se rendrait compte que sa femme n’a pas d’esclaves et qu’elle ne compte pas utiliser la violence pour les faire obéir. Tout l’opposé de ce tyran. « Je ne suis pas une très grande fan de la violence non plus même si en théorie, mon nom devrait m’obliger à y recourir de temps en temps. Je vois de terribles choses mais je n’adhère pas à ces pratiques barbares personnellement. Je présume que vous vous trouverez rapidement dans la même position que moi. Rassurez-moi, vous avez quand même déjà vécu dans un manoir où il y a des esclaves pour répondre à vos demandes et où la violence fait partie du quotidien? » Sinon, Eveline aurait vraiment dû mal à se faire à la vie ici, la vie avec Levinson.

uno

Comment voulait-elle avoir des enfants si elle était supposée être célibataire ? Mmm compliqué cette histoire. Par contre à ce qui comptait pour Eveline elle haussait les épaules. « Je n’ai rien contre les enfants, j’aimerais même en avoir. Mais avec mon ancien époux cela ne s’est jamais fait. » Bon certes elle y avait ajouter son grain de sel pour que cela ne se produise pas. Car elle ne voulait pas avoir d’enfants d’un tel monstre. Restait maintenant à voir comment était son futur tendre. Mais quelque part, elle pensait déjà avoir vu pire. Ca serait vraiment de la malchance de retomber à nouveau sur quelqu’un qui la batte…. Ca fit sourire Eveline de voir que Laurel semblait être surprise d’entendre qu’elle n’avait pas d’esclaves. Pourtant c’était assez logique non ? « J’ai congédié tous ceux qui étaient à mon service. Il n’y a que Pearl qui m’a accompagné jusqu’ici. Et en arrivant en ville, je ne me suis pas directement mise à la recherche de doméstiques ou… d’esclaves. » Eveline s’était dit qu’il y avait bien assez de monde chez son futur époux, non ? Laurel semblait à moitié comprendre ce que cela voulait dire un pays ou y a pas d’esclaves. Elle hoche négativement la tête. « Non j’ai vécue toute ma vie à Londres, et comme vous le savez l’esclavage n’existe plus depuis bien longtemps. Nous n’avons que des doméstiques. Oh bien sure il y en a qui ne traitent pas spécialement bien ceux qui travaillent pour eux. Mais je ne pense pas que leur existence soit aussi… horrible que celui d’un esclavage ici. »

La violence, oui elle la connaissait que trop bien. Mais elle pensait y avoir échappé. Mmm une fois de plus Eveline devait avouer que Kane n’avait peut-être pas eu tord en lui disant de laisser Pearl derrière. Mais ce n’était pas sa décision. Et puis de toute manière soyons honnête, sans Pearl, Eveline n’aurait sûrement pas eu le courage ni la force de venir jusqu’ici. « Je vous dirais bien comment cela se passe dans ma future maison... » Bon, Eveline en avait vu assez. Elle avait marre de ce spectacle horrible qu’était une vente en enchère d’esclaves. Franchement était-elle donc réellement la seule à voir cela de cette façon ? En examinant le visages des gens qui l’entouraient il fallait croire que oui. « Allons donc ailleurs, je ne vois rien qui puisse m’intéresser ici. » Tout à coup le bayou lui semblait bien plus intéressant et plus sympathique que les cris et les personnes qui ne semblaient plus avoir aucune âme. Eveline ne voulait même pas savoir comment on pouvait devenir ainsi.

Je n’avais personnellement pas le temps de m’occuper d’un enfant. Un enfant réduirait davantage ma liberté et c’était la chose qui m’était la plus précieuse. Donc non, ce ne serait pas pour tout de suite… Tant que père ne m’y obligeait pas, autant en profiter. De toute façon, il allait d’abord falloir que je comprenne ses intentions quant à mon mariage avant de penser à ma et donc sa descendance. « Et bien je présume que Levinson sera heureux de savoir que vous voulez des enfants, non pas qu’il se souciera de votre avis mais… ». Je fus coupée dans mon élan (pour une fois d’honnêteté) car je venais de me rendre compte qu’en fait, Eveline avait passé très peu de temps avec Levinson et ne s’était peut-être pas encore rendu compte de ses nombreux défauts. Et puis qui sait, peut-être était-il charmant avec sa future épouse ? En tout cas, ce n’était pas mon rôle de lui faire part de mes impressions sur Levinson, elle se ferait son propre avis bien rapidement. « Enfin, ce que je veux dire, c’est que je suppose que Levinson connaît déjà votre avis. » Mouais, j’aurais pu mieux m’en sortir, c’est vrai. « Je dois quand même vous avouer que j’ai beaucoup de mal à imaginer une vie sans esclave. Vous n’avez pas trop de difficulté à ne plus avoir de responsabilité ici ? Vous ne devez pratiquement rien faire, toutes les tâches sont effectuées par vos esclaves, ou en l’occurrence ceux de Levinson, qui vont également devenir les vôtres. Cela doit être très déroutant. » Eveline avait plutôt l’air d’être quelqu’un qui avait l’habitude de tout faire toute seule et de ne pas avoir besoin d’esclaves pour le faire à sa place. « Après, chaque chose à ses bons côtés, reconnaissons-le. Vous rentrez chez vous et tout est prêt sur la table, pas besoin de cuisiner, de débarrasser, de faire la vaisselle ou même la lessive. » Je savais bien que ce n’était pas moralement juste pour tous ces Noirs d’être esclaves et de faire des tâches ingrates que personne d’autres ne voulaient faire mais je savais aussi que les choses n’étaient pas près de changer alors autant essayer de trouver un côté positif à toute cette situation. Au fond, j’essayais aussi de me convaincre moi-même parce que j’étais toujours persuadée que l’esclavage n’était pas bénéfique à bien des égards.
Eveline voulait partir, cela ne m’étonnait pas. Elle avait quand même tenu plusieurs minutes dans cette ambiance tellement particulière d’une vente aux enchères. Je fis un sourire en imaginant une rencontre au manoir entre mon père et Eveline. Ca pourrait très mal se terminer mais il ne serait pas habitué à ce qu’une femme lui réponde avec autant de répartie et il perdrait probablement ses mots. De toute façon, il ne fallait pas jamais qu’Eveline mette un pied au manoir. Les esclaves étaient traités de manière beaucoup trop violente et elle aurait du mal à l’accepter. Etait-ce différent chez Levinson ? Je me le demandais…

uno

« Pourquoi est-ce que j’ai l’impression que vous ne vous entendez pas trop bien avec mon futur époux ? » Kane n’avait voulu dire que très peu de choses sur lui. A vrai dire il était resté fort vague et Eveline n’avait pas tellement insisté. Elle aurait peut-être du. A moins qu’elle arrive à avoir plus de détails de la bouche d’une autre personne… « Ma vie est plus au moins la même que la votre… Le souper était servi à l’heure qu’on voulait, les lits étaient fait. La seule différence c’était que les gens étaient payés pour faire cela et non fouetter.. « Non, ce n’était pas à Eveline qu’on allait dire que les esclaves travaillaient mieux que des domestiques. Un le faisait pour pouvoir se nourrir l’autre le faisait pour éviter la mort. Puis pouvait-on réellement faire confiance à un homme ou une femme maltraité ? Par connaissance de cause, Eveline en doutait fortement. Une main qui maltraite finit toujours par se faire mordre. « Et dites-moi… a force de maltraiter des gens, personne n’a donc peur qu’un jour un de ces esclaves finit par verser du poisson dans le verre de son maître ? « Maitre parti moins de douleur n’est-ce pas. Mais cela ne semblait même pas avoir fleurit l’esprit de la jeune femme jusqu’à maintenant. Pourtant pour Eveline ca paraissait tellement évident. Surtout avec les vagues de proteste venant de l’autre côté du pays, les esclaves pouvaient avoir envie de se rebeller et la meilleure manière était bien sure de tuer celui qui est à la tête de leur souffrance. Pour Eveline c’était claire, esclave ou domestique elle traiterait les gens comme des humains. Mais elle n’interviendrait pas dans la manière de faire de son mari. Malgré ce qu’on pouvait penser, elle savait très bien ou était la place d’une épouse parfaite. C’était un rôle qu’elle avait déjà joué au paravent. Par contre… Faudrait qu’elle soit claire sur le statut de Pearl du coup. Il n’y avait qu’elle qui avait le droit de lui donner des ordres. Hors de question que Pearl se retrouve à couper des légumes en cuisine. Dame de compagnie est une dame de compagnie. Et ca, Levinson allait devoir l’accepter et le comprendre.

« Oh non non, ne vous méprenez pas, je ne connais pas assez votre futur époux pour me permettre de faire des jugements de valeur ». La dernière chose qu’il me fallait, c’est qu’elle aille répéter que je n’aimais pas Levinson. Mon père ne serait pas ravi si cela arrivait jusqu’à ses oreilles. Levinson était très important pour le commerce. Je ne savais pas très bien si je pouvais me confier ou non à Eveline alors autant ne pas le faire. « Je suis certaine que vous ne manquerez de rien avec lui ». Ce n’était pas un mensonge, j’étais vraiment persuadée que Levinson ferait tout pour son épouse. D’autant plus qu’Eveline était jolie, qu’elle venait d’une bonne famille. Il fallait donc bien qu’il fasse de son mieux pour la garder auprès de lui et pouvoir la mettre en avant lors des soirées mondaines et autres événements incontournables au sein de la population dorée de New Orleans.
Je n’avais jamais réellement penser à la possibilité de payer un esclave. Oui, j’étais contre ce système qui prônait l’esclavage et contre la violence, mais en réalité, je n’avais jamais réfléchi à une solution pour contrer le problème. En tous les cas, payer un esclave me semblait vraiment étrange. De toute façon, la plupart d’entre eux étaient logé et ils avaient même à manger en guise de salaire. Ca leur suffisait, non ? « Et bien, en réalité, je n’ai jamais pensé à la possibilité qu’un esclave puisse empoisonner son maître. Je sais que la plupart ne sont pas heureux à cause de tout ce qu’on leur inflige mais après, peuvent-il espérer mieux ? Pas pour l’instant je pense. La société n’est pas prête à subir un changement. » Bon, merci Eveline, j’allais quand même me méfier la prochaine fois que j’avalerais quelque chose. Je n’utilisais presque jamais de violence envers nos esclaves, mais je ne levais pas non plus le petit doigt pour eux lorsque je voyais mon père le faire. Ils devaient aussi me considérer comme la petite princesse complice. « Comment cette pensée vous est-elle venue ? Connaissez-vous quelqu’un qui a été empoisonné pour cette raison? » Eveline parlait comme si la situation lui évoquait quelque chose, comme des souvenirs. Comme s’il y avait quelque chose de personnel dans cette histoire. Probablement une de ses connaissances en Angleterre. Ca m’inquiétait quand même, pourquoi n’avais-je jamais pensé à cette éventualité plutôt ? En effet, les pauvres esclaves avaient toutes les raisons de vouloir se venger et je ne tenais pas à mourir empoisonnée.

uno

Peuvent les esclaves espérer plus ? Eveline hausse les épaules. Parfois la vengeance pouvait être assez tentant pour ne rien espérer par la suite. Mais elle se tu. « Je ne sais pas. Mais avec ce qui se passe de l’autre côté de l’Amérique… Ca peut les mettre à réfléchir. Et quelqu’un qui réfléchit peut être très dangereux… Ce n’est pas une des raisons pourquoi les hommes préfèrent que les femmes ne réfléchissent pas ? » Sourire au coin. Sans aucun doute allait-elle être d’accord avec Eveline. Mais le danger restait au fond pas moins vrai. Les esclaves pouvaient-ils se révolter ? Bien sur. Mais une révolte serait sans aucun doute moins dangereux qu’en empoissonnement qu’on ne voit pas arriver. Oui… Y avait rien à ajouter. Eveline préférait bien plus avoir des domestiques et devoir sortir de l’argent pour les faire payer que d’avoir du travail gratuit mais avec un risque pour sa propre vie. Comment elle avait pensé à cela ? Mmm délicate question. Que pouvait-elle bien répondre à cela ? « Non, à Londres y a pas d’esclaves. Et les domestiques ont toujours le droit de partir travailler ailleurs. » Elle pointa du regard les esclaves. « Observez donc leurs regards. Certains sont vides, comme si il n’y avait plus d’âme. Et dans d’autres il y a encore une étincelle de vie. Il suffit souvent d’une simple étincelle pour qu’un feu se propage…. Et les rumeurs au nord du pays peuvent être une étincelle suffisante… Ca me surprend que personne ne voit cela ? Peut-être en tant qu’étrangère j’ai plus facile à voir cela. » Ils vivaient peut-être tous trop longtemps dans l’imagination que ce qui arrive au nord, ne va pas arriver jusqu’ici. Choisir de fermer les yeux plutôt que de voir la vérité du changement arriver ?

Eveline n’avait jamais aimé la politique et ne s’y intéressait pas. Mais ce qu’elle voyait dans le regards de certains esclaves, autant dire qu’elle les voyait plus comme des humains. Et donc c’était plus facile de reconnaître la peur et la colère dans leurs yeux. Sans parler que qu’elle-même connaisse que trop bien ce qu’une personne puisse faire lorsqu’on le pousse à bout et qu’il n’y a plus d’autre échappatoire. « J’ai été ravie de faire votre connaissance, Laurel. J’espère qu’on se recroisera un de ces jours. Là il faut malheureusement que je vous quitte, j’ai été invité au thé chez Monsieur Hardigan. »

Elle avait totalement raison ! L’intelligence faisait peur. Et les femmes intelligentes encore plus. Heureusement pour ceux qui gouvernent la société, très peu de citoyens faisaient preuve d’esprit. D’ailleurs, j’en avais marre de côtoyer des ignorants, des gens qui ne réfléchissaient pas, des assistés. Et c’était une des raisons pour lesquelles je commençais à apprécier Eveline. Elle était différente. Elle comprenait, elle était subtile, elle réfléchissait, tout simplement. Quel bonheur ! « Encore une fois, vous avez totalement raison, mais vous vous rendrez vite compte qu’il y a beaucoup de gens, superficiels, par ici. Surtout les femmes. D’ailleurs, j’ai pris l’habitude de me mélanger à cette catégorie, moi aussi. Ainsi, je ne représente pas de danger pour ceux qui détiennent le pouvoir et je n’ai pas de problème. » C’était beaucoup plus simple ainsi. Également pour protéger le blason familial. Eveline ne comprendrait probablement pas, mais je m’en fichais. J’avais toujours agi de cette façon. « Je pense que les habitants ont toujours vécu avec l’esclavage et ils ne pensent pas à y mettre un terme. Ils ne remarquent en effet probablement pas qu’une rébellion pourrait changer la donne. Ils détiennent les cordons de la bourse et le pouvoir, c’est tout ce qui leur importe. Mais ça changera rapidement dès que leurs positions seront ébranlées. » Oui, je craignais qu’une guerre éclate, mais je ne pensais pas que cela arriverait de sitôt. Pas ici en tout cas. L’esclavage était ancré depuis bien trop longtemps dans les mœurs. Est-ce que je ne voulais pas regarder la réalité en face ? Cette discussion avec Eveline semblait en tout cas bouleverser par mal de choses dont j’étais à priori certaines, pas mal de convictions.
Elle était invitée chez Adam Hardigan, le diable en personnes. Et ben, Eveline Thorne était vraiment une personnalité inattendue, et elle semblait s’entourer des pires hommes de la Nouvelle Orléans. Heureusement que Kane était là pour équilibrer. Parce qu’avec Levinson et Hardigan, elle était mal tombée. Devais-je la prévenir de la réputation d’Hardigan ou pas ? Probablement pas, ce n’était pas de mon devoir. Elle entendrait bien rapidement les rumeurs à son propos également. D’ailleurs, je n’avais encore jamais rencontré le diable, mais j’en avais déjà tellement entendu parler que j’avais l’impression de le connaître. Un homme froid et moqueur. Je ne tenais pas à faire sa rencontre. « Et bien je vous souhaite de passer un excellent moment en compagnie de Monsieur Hardigan. Un conseil, même si je suppose que cela coule de source, pesez bien vos mots lorsque vous parlez aux habitants de la Nouvelle Orléans. Et n’oubliez pas que les rumeurs circulent vite. Très vite. A bientôt, j’espère. » Je me réjouissais de voir comment Eveline Thorne allait mener sa barque en Amérique.

uno

» Eveline & her relations
» Eveline & her topics
» Eveline Thorne - Shoot me, break me but I'll stand up
» Laurel's topics - What's going on in my life right now
» (m) Avatar au choix- Life is like a game, if you want to win, you need to play

Eveline Thorne & Laurel Rivera

Life is full of unexpected

J’avais promis à Charles de me rendre à sa place à la banque aujourd’hui car il avait une autre réunion qu’il ne pouvait pas manquer. Mon père insiste toujours pour que je sorte accompagnée de 3 servantes ‘au cas où’, ajoute-t-il souvent. Je n’aime pas les ‘au cas où’ et j’aime davantage me promener seule. Aujourd’hui ne fait pas exception à la règle, je me suis faufilée hors de la maison pour me rendre au rendez-vous promis et pour continuer à visiter cette nouvelle ville. Cela fait longtemps que je ne me suis plus sentie aussi libre et vivante, quelle sensation agréable ! C’est en rentrant dans la banque que je l’ai aperçue pour la première fois : Eveline Thorne dans toute sa splendeur. La riche veuve anglaise qui vient tout juste de s’installer en ville. Pas compliquée à repérer : elle a l’air aussi perdu que moi. D’après les rumeurs, elle aurait assassiné son mari. Cela ne m’étonnerait même pas en fait. Question d’argent. Beaucoup serait prêt à tuer pour l’énorme somme dont elle a hérité. Elle n’a pas l’air d’être accompagnée de son esclave, ce qui est chose rare. D’après ce que j’ai entendu dire, toutes les deux sont inséparables. Elle a peut-être déjà compris que ce n’est pas quelque chose à faire à la Nouvelle Orléans. J’ai grandi dans ce monde distinct entre les Blancs et les Noirs et si j’ai bien appris une chose, c’est qu’il ne faut pas se mélanger. Elle l’apprendra tôt ou tard, elle aussi. Ici, on fait ce qu’on veut chez soi, aussi longtemps qu’on reste discret mais en rue, le code et les bonnes mœurs restent d’application, les couleurs restent chacune de leur côté si l’on ne veut pas être regardé de travers. Chacun a son rang.
En tout cas, je ne m’attendais vraiment pas à tomber sur elle aujourd’hui, encore moins à la banque. Coïncidence ? Je prends le temps d’observer l’Anglaise. Voilà que je rencontre enfin la femme qui est le sujet d’autant de conversations à la maison depuis quelques jours. Père fait commerce avec James Levinson, son futur époux et il a eu écho des rumeurs avant le reste des habitants. C’est devenu une sorte de compétition entre père et Charles : qui aura le privilège de rencontrer la mystérieuse veuve anglaise en premier ?
Alors forcément, tomber sur Eveline Thorne en vrai est un vrai choc car je ne m’attendais vraiment pas à la voir avant eux. Le choc est d’autant plus grand qu’elle n’est pas tout à fait comme je l’imaginais. Ce qui m’étonne le plus, c’est son âge ! Elle est beaucoup plus jeune que je ne l’aurais cru. Et très jolie. Elle affiche un air sûr d’elle et hautain, mais je ne suis pas dupe. Elle ne semble pas à son aise dans cette banque. Quelle idée de venir seule ici aussi! Les banques ne sont pas des endroits où les femmes ont l’habitude de se rendre. Et encore moins seule. Bon, d’accord, moi aussi je suis là mais ce n’est vraiment pas pareil car Charles a prévenu de ma visite, je me sens familière avec ce monde financier et je suis indépendante. Je me demande ce qu’elle vient faire sans chaperon, sans fiancé, sans esclave. Sait-elle au moins ce que le banquier est en train de lui dire ? Je devrais lui proposer les services de Charles, cela me ferait du travail à moi aussi et Dieu sait que j’en ai bien besoin. Cela fait trois mois que je m’ennuie à mourir au manoir. Enfin un peu de distraction aujourd’hui ! Il était grand temps ! Finalement, ce n’est pas si mal de tomber sur la veuve anglaise. Je vais pouvoir voir si tout ce qu’on dit sur elle est vrai. Elle est assise face à moi et à l’air de me regarder elle aussi. Sait-elle qui je suis ?
J’observe encore Eveline Thorne quelques minutes, perdue dans mes pensées. A ce moment-là, je remarque que l’Anglaise se lève et s’apprête à partir et j’évalue la situation. Allez, j’y vais. Au fond, peu importe ce que je pense, père a demandé des informations sur cette nouvelle arrivante. A moi de jouer maintenant. Je décide de la jouer sûre de moi, comme si elle était sur mon territoire, alors qu’au fond, je ne connais pas plus la ville et ses habitants qu’elle. Mais ça, elle n’a pas besoin de le savoir. Je m’avance vers elle et lance avec un grand sourire: « Bienvenue à la nouvelle Orléans, mademoiselle Thorne »

uno

Life is full of unexpected

Eveline n’a jamais réellement apprécié les banquiers ni tout les métiers qui avait l’argent en main. Elles les trouvaient toujours trop sures d’eux et généralement ne savaient parler de rien d’autre que des affaires. Et Eveline artiste dans l’âme… autant vous dire que cela ne l’a jamais intéressé. Sur ce plan-là, elle était la femme typique qui laissait à son mari l’opportunité de gérer les comptes de la maison. Mais aujourd’hui elle n’avait guère le choix que de se rendre elle-même à la banque. Son mari était mort et son futur époux n’avait pas encore le droit de toucher à son héritage. Mais cela n’allait pas tarder, d’ailleurs c’était justement pour s’assurer que tout soit bien en ordre que Miss Thorne était là aujourd’hui. Car les finances transatlantiques n’étaient pas toujours les plus facile et elle voulait bien être sure que tout le compte soit là. Elle ne souhaitait pas commencer son mariage en apportant déjà des soucis et des tracas. Mais bien sure comme elle s’en était douté ca prendrait plus de temps que prévu… elle soupire t légèrement irritée elle se lève pour quitter la banque. C’est toujours la même chose avec ces hommes d’argent. Du temps du temps et de la patience. Bien sure comme si le monde tournait sur le temps et la patience ! Mais avant qu’elle eut le temps de quitter la banque, voilà qu’on venait l’accoster.

Et voilà cela commence déjà… A peine arrivée en ville qu’on vienne déjà se présenter à elle. Les vautours qui veulent faire circuler des rumeurs et qui n’ont rien à faire d’autre de leur journées se présentent déjà devant elle. Et cela sous la forme d’une jeune femme blonde. Bien qu’elle ait envie de lever les sourcils vers le plafond de la banque, Eveline fut tout le contraire. Un sourire qui masque ses réelles pensées. Au fond, Kane avait beau dire que les Etats-Unis sont bien différent que l’Angleterre… Au fond Eveline en doutait fortement. Les gens sont partout les mêmes. Toujours à vouloir savoir tous les détails sordides de la vie des autres. Surtout la haute société. Eveline ne se demandait pas comment cela se faisait que cette jeune femme savait qui elle était. Elle était surement la seule anglaise qui venait d’arriver, et même probablement la seule nouvelle arrivante. « Toutes mes excuses mais je ne suis pas aussi bien informée que vous. A qui ai-je donc l’honneur ? » Et si il y en avait bien une qui se connaissait bien en étiquette et surtout pour garder son visage masqué de tous sentiments, c’était bien Eveline Thorne. Non seulement elle avait été enseignée et éduquée dans la matière. Mais avec un mari qui était le roi des charmeurs et bien vu par tout le monde… alors qu’en réalité il cachait vraiment bien son jeu… Ah Eveline n’a rien su faire d’autre que jouer ce jeu morbide avec.

Maintenant qu’elle avait cette jeune femme en face d’elle, elle l’observait de plus près. Elle n’avait pas encore eu réellement le temps de s’intéresser aux nobles et aux riches de cette région. C’était à peine quelques jours qu’elle venait d’arriver et elle avait eu bien d’autres choses en tête que d’apprendre les noms par coeur des familles. Elle s’était dit qu’elle allait bien avoir vite l’occasion de faire connaissance de tout ce nouveau monde… C’était un peu plus vite que prévu.

« A qui ai-je donc l’honneur ? » Comment est-ce possible qu’Eveline Thorne ne me connaisse ou en tout cas ne me reconnaisse pas ? Depuis quand est-elle arrivée en Amérique ? Il me semble que cela fait plusieurs jours. Elle aurait quand même pu prendre la peine de se renseigner sur les habitants, enfin peut-être pas tous les habitants mais au moins les familles influentes de la ville. Je tente de garder mon sourire et de camoufler mon air crispé même si au fond de moi, je bous. Je n’ai vraiment pas l’habitude qu’on ne me reconnaisse pas. C’est une sensation particulière d’ailleurs. En tout cas, il va falloir que je m’y habitue car ce n’est probablement pas la dernière fois que cela arrivera dans cette nouvelle ville où je viens d’arriver. Peut-être devrais-je m’en réjouir ? Si elle ne me connaît pas, cela veut dire que pour une fois, je peux commencer de zéro. Quoique, pas vraiment. Dès que je vais dire mon nom, elle comprendra qui je suis et là, et elle se souviendra de tout ce qu’elle a entendu dire sur l’illustre famille Rivera. Ce sera pareil pour tous les autres. Et puis, ce sera sûrement comme à Boston, même si là-bas, pas besoin de donner mon nom : tout le monde me reconnaissait où que j’aille. C’est à partir du moment où les gens me voient ou comprennent qui je suis qu’il faut analyser leur réaction. Ainsi, je suis devenue experte pour savoir si quelqu’un est pour ou contre l’esclavage. Ce n’est pas bien compliqué en général, peu de personne savent dissimuler leurs pensées et leurs émotions même si beaucoup sont convaincues de savoir le faire. La maîtrise de ses émotions est un art. Dans lequel j’excelle, par ailleurs. Avec un père comme mien et une vie telle que celle que je mène, pleine de faux-semblants et d’obligations que je suis obligée de remplir contre mon gré, mon talent s’est développé automatiquement au fil des années. Je dois reconnaître que l’Anglaise a l’air de s’y connaître, elle aussi. Je me réjouis de voir jusqu’à quel point. « Excusez-moi, je n’ai pas l’habitude de devoir me présenter. Laurel Rivera. Vous devez sans doute avoir entendu parler de ma famille. » Pas besoin de lui dire que nous sommes célèbres pour le trafic d’esclaves ainsi que nos indénombrables plantations. Pas besoin de lui dire non plus que nous sommes perçus comme des héros par les vrais Sudistes et comme des traîtres par les Nordistes. D’ordinaire, j’aurais attendu pour observer sa réaction et ainsi savoir si elle se place dans la catégorie des amis ou des ennemis des Rivera mais ici, pas besoin. Je me doute déjà qu’Eveline Thorne doit être contre l’esclavage. Voyons donc de quoi elle est capable. «J’espère que vous avez fait bon voyage. J’ai entendu parler de votre arrivée en ville. Quel sacrifice d’abandonner votre pays pour les États-Unis, où tout est tellement différent et où la guerre menace d’éclater! Qu’est-ce qui vous a poussé à un tel choix ? » Elle doit bien se douter que les rumeurs circulent, mais faisons comme si ce n’était pas le cas. Certains diraient que je suis hypocrite, je préfère le terme stratège. Tout est question de rentabilité, de forces et de faiblesses dans la vie. Ne dit-on pas que le pouvoir appartient à celui qui détient l’information ? Maintenant que je suis en face de la source, autrement dit, Eveline Thorne, autant écouter ce qu’elle a à dire… et voir comment elle va réagir et répondre à mes questions. Je me demande combien de temps elle va tenir à la Nouvelle Orléans.

uno

Piquée… Oui bah depuis son arrivée en ville, il semblait qu’Eveline Thorne avait un peu de problèmes à s’adapter à cette ville, peut-être même à ce pays tout court. Bref ça ne serait pas la première personne qu’elle vexe dans cette ville. Et sûrement pas la dernière. Décidément elle avait vraiment beaucoup de mal à s’adapter. Pourtant Eveline n’aurait jamais cru que ca serait tellement différent que Londres. Rivera… Ah c’est une chose de se présenter, mais c’est déjà une toute autre que de présumer qu’on connaît sa famille…. Eveline sourit. Oui, bien sure qu’elle connaît de nom sa famille. Des vendeurs d’esclaves. « Enchanté… Oui en effet. Je pense que tout le monde ai entendu parler de votre famille… Mais… J’ignorais que votre famille était à la Nouvelle Orléans ? » Si ses souvenirs étaient bons... « Vous n’habitiez pas… Boston, c’est ca ? » S’intéresser à autrui alors qu’en réalité elle avait bien d’autres choses à faire. Enfin… Dans ce genre de situation on n’a pas vraiment le choix. Autant sourire et écouter, n’est-ce pas. Mais ne nous voilons pas la face. Eveline n’était pas dupe, elle avait bien vu qu’elle venait de vexer la jeune femme en face d’elle, qui visiblement devait avoir l’habitude d’être traité comme une célébrité.

Eveline fit un signe de la main vers la porte de sortie. « Ca vous dérange de sortir d’ici ? Je trouve l’atmosphère un peu trop paissant avec tous ces hommes de chiffres. » Oui, l’air frais ne pouvait jamais faire du mal. Et puis Eveline avait l’impression que tout le monde était en train de les observer. Mmm la question de Laurel fit sourire de plus belle Eveline. « Ooh vous savez, Londres est jolie… mais après le déces de mon mari, je me sentais seule. Et j’ai décidé de retrouver la seule famille qui me restait. » Elle devait bien être aussi au courant que Kane O’Malley était son cousin, après tout Laurel semblait être au courant de bien de choses. « Et puis je présume que vous êtes également au courant de mon futur mariage… Donc oui.. il y a quand même pas mal de choses qui m’ont attirés ici. » A l’extérieur Eveline ne tardait pas à remarquer les gens les observer. Visiblement… ils sont lourd par ici. Entre Laurel, et tous les autres regards Eveline ne savait pas ce qu’elle détestait le plus… finalement elle décida de tourner le jeu à sa façon. Son bras encrochait celui de Laurel, alors que de son autre main elle le positionnait sur le bras de Laurel. « Jouer donc le jeu avec moi… » Eveline fit un petit signe de tête envers les observateurs. « Je suis certaine qu’on parle déjà de nous. » Sourire sur les lèvres, Eveline continuait à marcher avec Laurel à ses côtés. « Dites-moi… Vous qui semblez connaître beaucoup de monde en ville… Qui sont ceux qui nous observent ? Et surtout de qui dois-je me méfier en ville ? » Autant qu'elle lui raconte donc tout ce qu'il fallait savoir sur les familles d'ici.

Eveline a tout de suite compris qui j’étais lorsque j’ai énoncé mon nom de famille. Pas étonnant. Juste au moment où j’allais répondre à la question de l’Anglaise, celle-ci me fit signe qu’elle voulait sortir d’ici. Quoi ? Ce n’était pas du tout prévu. Elle allait bien vite se rendre compte que je ne connais pas mieux la ville qu’elle et j’allais perdre la face. Tel est pris qui croyait prendre. Je ne serai plus sur mon terrain de jeu, nous serons à égalité. Et ce n’est pas quelque chose qui me plaît. J’ai l’habitude de transformer le célèbre adage en « Dominer pour mieux régner ». Bon, ici, c’est vraiment mal parti pour dominer… et donc pour régner. Surtout que je sens déjà les regards des passants. Garde la tête haute, Laurel, tentais-je de me raisonner. Je détestais déjà Eveline Thorne pour m’avoir mise dans cette situation. Celle-ci avait l’air de s’amuser, en plus. J’étais totalement perdue dans mes pensées lorsque je sentis tout d’un coup une pression sur mon bras. Elle se permettait de me prendre le bras, elle était en position de force. Je l’entendit se tourner vers moi et m’annoncer « Jouez donc le jeu avec moi, je suis certaine qu’on parle déjà de nous ». Elle était douée l’Anglaise ! Un peu trop même. J’avais rarement eu une adversaire aussi redoutable. Elle avait l’air d’être experte dans l’art des apparences. Mais je ne m’avouai pas vaincue. Ni une ni deux, je me ressaisis. Par où commencer ? L’honnêteté était la meilleure stratégie en toute situation diraient les plus sages. « Vous êtes bien renseignée, je viens effectivement de Boston. Je ne suis arrivée ici qu’il y a 3 mois et je n’ai pas encore eu l’occasion de beaucoup sortir de chez moi à vrai dire. En toute honnêteté, je pense donc que les regards interrogateurs se portent autant sur vous que sur moi.» Je viens juste de me rendre compte que je reprochais à Miss Thorne de ne pas s’être renseignée sur les familles influentes de la ville alors que j’ai fait la même erreur ! Père m’a expliqué avec qui on devait se lier d’amitié et qui on devait éviter mais je n’ai rien écouté de ses informations. Je m’en veux au fond de moi car j’aurais pu bombarder l’Anglaise d’informations toutes plus croustillantes les unes que les autres. « Je suis certaine que Kane et votre futur époux se chargeront de vous en dire un peu plus sur les habitants, nous devrions d’ailleurs demander à Kane de nous en apprendre plus sur tous ces curieux.»Ce qu’Eveline ne savait probablement pas encore, c’est que je m’étais liée d’amitié avec son cousin au cours de ces trois derniers mois. On était devenu proches, très proches. C’était à vrai dire mon seul ami à la Nouvelle Orléans étant donné que je n’étais quasi pas sortie de chez moi. Il ne m’avait cependant pas beaucoup parlé de l’arrivée de sa cousine. J’avais donc dû me contenter des rumeurs. C’était plutôt bizarre d’ailleurs car en quelques mois à peine, nous étions devenus des confidents. Assez perdu de temps, à mon tour de jouer, je n’allais pas me laisser intimider par Miss Thorne. « Je suppose que vous vous doutez que les rumeurs sont monnaie courante par ici. Votre arrivée, par exemple, a beaucoup fait parler d’elle et puis votre futur mariage également, bien entendu. Quoique, l’ancien aussi. »
Ce que je trouvais vraiment étrange, c’est le fait qu’Eveline épouse un homme tel que James Levinson. Je l’avais aperçu plusieurs fois à la maison et le courant ne passait pas du tout. Il était l’archétype même des hommes tels que je les détestais. A vrai dire je n’imaginais absolument pas la femme forte que j’avais en face de moi avec ce genre de personnage. Après tout, ce n’était pas mon problème. Et puis je n’allais certainement pas me tracasser pour Eveline que je venais de rencontrer quelques minutes auparavant. « Si je peux me permettre, vous devriez quand même vous méfier car votre réputation a déjà laissé place à un débat en ville, d’après ce que j’ai entendu dire. Autant en ce qui concerne votre ‘dame de compagnie’ qu’en ce qui concerne votre mystérieux passé en Angleterre.»Qu’est-ce qui me prenait maintenant de la mettre en garde ? Je m’obstinais à me dire que je voulais chaque fois la pousser un peu plus loin pour voir comment elle réagirait mais en réalité, il s’agissait de plus que ça et je le savais. Je ne voulais pas l’avouer, même pas à moi-même, mais au fond, je me reconnaissais un peu en elle et j’admirais la facilité avec laquelle elle maniait ses émotions. Jusqu’où allait-elle aller dans ce jeu d’apparences?

uno

Tiens donc, l’accuser car elle n’a pas eu le temps de se renseigner alors qu’au fond elle n’est pas vraiment plus renseigné qu’elle ? » Pourtant contrairement à moi vous êtes ici plus longtemps que moi… C’est marrant que vous avez pas eu le temps de vous renseigner. » Sourire moquer de la part d’Eveline alors qu’elle continue doucement à marcher. Elles ne savaient pas se perdre, si ? Tant qu’elles ne quittaient pas la ville, ca devrait aller. Kane hein… « Ainsi donc vous appelez déjà mon cousin par le prénom ? » Pourquoi Kane ne lui avait-il donc pas parlé de cette Laurel Rivera ? Est-ce que c’était pour cela qu’il n’avait pas été très content de voir Pearl. Voilà qu’Eveline était d’un coup un peu plus curieux sur la femme qu’elle avait en face d’elle. Quand celle-ci parlait néanmoins de rumeurs. Eveline sourit de plus belle. « Oui, je suppose que c’est une chose que cette ville ai en commun avec Londres. » Oui, elle se doutait bien que son futur mariage avait déjà du faire tourner plusieurs langues. En tout cas si Kane avait en effet pas menti sur le fameux Monsieur Levinton et qu’il était si bien connu que ca. Eveline hoche les épaules. Elle ne comptait pas parler de son ancien mariage, ni de son futur mariage d’ailleurs. « Oui, je présume qu’on adore parler de mariages. Tout le monde aime les fêtes. » Si Eveline ne croyait plus trop aux mariages, elle devait bien avouer qu’en générale elle aimait bien les fêtes et les soirées. Voir tous les gens sur leur 31, la musique, la danse (car eh oui elle adore danser), et puis généralement la nourriture était souvent des plus exquis lors des soirées.

Mmm voilà donc qu’elle la préviens ? Mais de quoi donc ? Ah.. Pearl.. oui sans aucun doute avec ce stupide cocher peu apprécié la remarque qu’Eveline avait faite. Et bien qu’elle savait que Kane voulait qu’elle fasse attention, Eveline avait un peu plus de mal quand il s’agissait de son amie. « Oui… je présume que ca pourrait être choquante d’avoir une personne noire comme dame de compagnie. Mais à vrai dire, en Angleterre les gens ont déjà plus évolués. Et l’esclavage n’existe pas là-bas. Alors c’est sure que ma dame de compagnie est une domestique. Mais c’est également une femme libre. Je ne vois pas en quoi cela devrait changer, on ne change pas de statut en changeant de pays, il me semble ? « Quand à son passé en Angleterre. « J’ai bien peur que mon mystérieux passé en Angleterre en réalité ne soit que très ennuyeux... » Eveline détachait quelques mèches de ses cheveux pour les mettre derrière son oreille. Il faisait bien plus chaud de ce côté du globe qu’en Angleterre. Bien sure elle se doutait bien que la famille Rivera était fort attaché à l’esclavagisme vu que c’était grâce à ca qu’ils avaient fait leur fortune. Mais ce n’était qu’un fait parmi tant d’autres. En Angleterre l’esclavagisme n’existait plus depuis bien des années. « Mon époux était quelqu’un de fort apprécié et nous étions invités à toutes les soirées organisés à Londres et dans les alentours. Cela se résume en quelque sorte qu’à ca. Et toutes celles et ceux qui y trouvent quelque chose de mystérieux doivent avoir une vie bien peu passionnant pour trouver cela si intéressant. » Mais comme toutes les villes, les gens aimaient tout savoir les un sur les autres. Quoi que… on dirait quand même bien que la nouvelle orléans soit plus petit que Londres. A moins que cela ne soit qu’une impression. Eveline s’arrêtait de marcher, visiblement la ville s’arrêtait là. Elle observait de loin le bayou. « Q’il-y-t-il là-bas ? »

J’avais vraiment l’impression d’être une débutante à côté d’Eveline Thorne et cela m’énervait au plus haut point. Pour qui se prenait-elle en se permettant de me faire de telles remarques ? Je sentais que je commençais à rougir au moment même où je remarquai son sourire moqueur. J’avais apparemment encore bien des choses à apprendre avant de parvenir à son niveau. Et voilà maintenant qu’elle m’interrogeait sur ma relation avec Kane. Je me doutais bien qu’il ne lui avait pas parlé de moi, d’autant plus qu’il ne m’avait quasi rien dit sur elle non plus. « Oui, je suppose que Kane n’a pas encore eu l’occasion de vous parler de moi. Nous nous sommes liés d’amitié au cours de ces derniers mois. Il ne m’en a cependant pas dit beaucoup sur vous et m’a laissé le loisir de découvrir qui vous êtes par moi-même. » Et surtout de me faire ma propre opinion… J’étais déçue qu’Eveline ne m’en dise pas un peu plus sur son futur mariage. J’étais cependant convaincue qu’elle ne devait pas encore avoir passé beaucoup de temps avec son futur époux et qu’elle ne savait pas, elle-même, très bien à quoi s’attendre. Par contre, voilà qu’elle commençait à défendre sa dame de compagnie. Les rumeurs étaient donc bien vraies et je venais de trouver le point faible d’Eveline Thorne. Il était clair que l’Anglaise n’avait pas sa langue dans sa poche. Ce qu’elle n’avait pas encore compris, c’est que l’épouse de James Levinson se devait de garder de telles pensées pour elle. D’accord, elle avait probablement l’habitude de ne pas se laisser marcher sur les pieds, et c’était tout en son honneur, mais elle venait de faire une erreur magistrale. Aux Etats-Unis, plus encore qu’en Angleterre, les épouses de maris influents ne sont que des marionnettes et ne peuvent pas clamer haut et fort avoir un avis différent de leur mari. Surtout ici, en ce qui concerne l’esclavage. Eveline l’apprendra tôt ou tard… à ses dépens si elle continuait ainsi. Qu’allais-je bien pouvoir lui répondre à cela ? Ce n’était pas à moi de lui apprendre comment se comporter ici. Et puis, elle me mettait dans une position plus qu’inconfortable car je ne pouvais pas me permettre moi-même de lui dire qu’elle avait raison, et donc de contredire ouvertement mes principes familiaux alors que j’en mourrais d’envie. « Vous devriez faire attention à ce que vous dites par ici et à qui vous parlez. Vos dires peuvent vite se retourner contre vous et je n’ai pas envie qu’il arrive quelque chose à la cousine de Kane. Votre futur époux ne travaille-t-il pas dans l’import d’esclaves ? » J’étais plutôt fière de moi, j’avais réussi à reprendre le dessus de la conversation et c’était maintenant à mon tour d’arborer un petit sourire malicieux. Au fond, Eveline m’amusait beaucoup. Elle avait l’air insouciante, et indépendante. Mon sourire fut de courte durée car elle a été très, voire trop vague pour répondre à ma question sur son passé en Angleterre. Décidément, elle n’avait vraiment pas l’air d’avoir envie d’en parler. En même temps, elle devait bien se douter que les rumeurs circulaient sur le fait qu’elle avait peut-être tué son ex-mari, il est donc normal qu’elle évite le sujet, j’en aurais fait de même à sa place. C’était quand même étrange de me dire que j’étais en train de me promener bras dessus, bras dessous avec une possible meurtrière. L’Anglaise avait donc trois défauts, trois faiblesses : elle n’aimait pas d’être contrariée, elle ne savait pas garder sa langue en poche et elle ne voulait pas du tout parler de son passé. Intéressant. Je gardais ça dans un coin de ma tête car cela me servirait peut-être plus tard.
Eveline s’arrêta d’un coup et me demanda ce qui se trouvait au-delà de la ville. Elle n’avait apparemment toujours pas compris que je ne connaissais rien de la Nouvelle Orléans. Bon, cette fois, tentons une réponse vague mais satisfaisante : « Il s’agit du bayou, une région marécageuse où vivent toutes sortes de gens… différents. Bref, c’est un endroit où il ne fait pas bon vivre et où je vous conseille de ne pas aller. » Il fallait apparemment rendre les choses claires avec Miss Thorne même si je n’étais toujours pas convaincue qu’elle n’aurait pas un jour envie de s’y rendre. Elle semblait n’en faire qu’à sa tête et suivre ses intuitions. J’espère que Kane arrivera à rendre Eveline raisonnable car il n’est pas temps qu’une femme fasse quelque chose de travers et s’élève contre son mari à la Nouvelle Orléans. Je n’avais pas vraiment envie de retourner sur nos pas car je savais que de nouvelles têtes poseraient leur regard sur nous mais je n’avais pas vraiment le choix. Nous étions arrivées au bout de la ville et je voulais en apprendre plus sur l’Anglaise. « Nous ferions mieux de retourner vers la place principale, je ne pense pas que votre futur époux et que ma famille seraient ravis de nous voir si près du bayou. » Peut-être allait-elle enfin comprendre qu’on était toujours observé ici et qu’on ne faisait pas ce qu’on voulait. « J’espère que vous n’êtes pas pressée, j’aimerais en savoir davantage sur vous. Dites-moi, quels sont vos passe-temps ? Que prévoyez-vous de faire de votre temps libre à la Nouvelle Orléans ? » Maintenant que j'étais tombée sur Eveline Thorne, je ne comptais pas la laisser partir de si tôt.

uno

Non en effet Kane ne lui avait rien dit à propos de Laurel. Etrange d’ailleurs vu qu’ils avaient tendance à se dire beaucoup de choses. Enfin elle lui en toucherait un mot la prochaine fois qu’elle ira le voir. « D’amitié hein…. c’est vrai que Kane est au fond un bon parti et il est séduisant. » Oui, Eveline avait beau voir Kane comme son grand frère, elle n’était pas non plus aveugle et elle avait bien vu que les années qui se sont écoulés n’ont été que dans son avantage. Cela lui restait d’ailleurs toujours un mystère pourquoi il ne s’était pas encore lié à une femme. « Oh sans vouloir vous vexer, Kane n’est pas le genre d’homme à aimer parler sur des gens, ca ne me surprend donc pas vraiment qu’il ait dit peu de choses à mon sujet. » Il n’aimait pas participer à des ragots, et c’était tout à son honneur. Étrangement Eveline avait l’impression que Laurel ne se sentait pas très à l’aise. Est-ce qu’elle n’aimait pas se promener dehors sans réellement savoir ou aller ? Ou est-ce qu’au final elle commençait à regretter de lui avoir adressé la parole ? « Oh vous savez, si il y a des gens qui comprennent mal mes paroles, c’est qu’ils sont limités en intelligence et donc pas la peine de cotoyer. » Pourquoi Eveline avait-elle donc l’impression de devoir tout lui expliquer ? Ce n’était pourtant pas une novice, vu la manière dont elle tournait ses phrases. « Vous voyez, ma très chère Laurel… Je n’ai soulevé que la vérité historique. Ce n’est qu’un simple fait qu’à Londres l’esclavage n’existe plus. Et même économiquement parlant quand je dis que Londres n’a pas besoin de cela pour s’épanouir, ce ne sont que des simples faits. En disant cela, je n’ai ni dit si j’étais pour ou contre l’esclavage. » Eveline Thorne n’était pas stupide, elle n’allait pas prendre partie dans tout ca, du moins pas à haute voix. C’était trop tôt. Et puis comme venait soulevé la miss en face d’elle, son futur époux était en plein trafic d’esclavage, ça serait que mal vu. « En effet, il a bien des parts dans le marché des esclavagistes. Mais je ne suis pas le genre de femme à prendre part dans le monde des affaires. » Et puis, Eveline n’avait pas encore bien cerné James, alors elle préférait rester prudente.

Légèrement intrigué par ce qu’on semblait donc appeler le bayou. Des personnes peu fréquentables et des marécages. Eveline se demandait bien ce qui se pouvait donc cacher là-dedans. Mais pour le moment, elle allait suivre les conseils de Mademoisselle Rivera, et elle hochait la tête d’un signe affirmative. Oui, retournons vers la place principale. « Vous avez probablement raison, retournons. » Si néanmoins Laurel avait été mal à l’aise pendant un certain temps, elle ne semblait pourtant pas vouloir la laisser partir. « L’équitation est une de mes ferventes passions. Passion que semble partagé mon mari vu l’énorme écurie qu’il a. Mise à part cela, j’allais souvent au théâtre à Londres. » Mais y-avait-il au moins quelque chose de ce genre à la Nouvelle-Orléans ? « Et vous donc ? Comment est-ce que vous avez occupé vos journées depuis que vous êtes arrivés ici ? » Car si elle ne connaissait toujours pas la ville, c’était qu’elle avait du rester enfermé chez elle. A quoi faire ? Tricotter ?

Eveline semblait être très proche de Kane et cela ne faisait que renforcer ma curiosité quant au fait qu’il ne m’avait pas beaucoup parlé d’elle. En tout cas, Eveline semblait avoir l’art de protéger les personnes auxquelles elle tenait et c’est vraiment quelque chose que j’admirais chez elle. Je n’étais pas très à l’aise de parler de Kane en son absence, c’était surtout dû au fait que j’avais beaucoup de mal à expliquer notre relation à une inconnue. Enfin, inconnue pour moi en tout cas.
Eveline était manifestement très intelligente. Tous ses mots semblaient calculés. J’avais l’impression d’être traitée comme une enfant à qui il fallait expliquer une chose tellement simple. Ce qui n’était à nouveau pas dans mes habitudes. Je ne m’étais jamais sentie aussi… perdue et impuissante en la présence de quelqu’un. J’étais toujours celle qui menait la conversation exactement comme je l’entendais. En réalité, Eveline Thorne n’arrêtait pas de m’étonner. Je ris doucement de cette situation totalement inattendue et nouvelle et répondis à son explication : « Et bien, je reconnais qu’effectivement, la réalité historique ne ment pas. Par contre, les apparences sont souvent trompeuses. Et ne nous leurrons pas, je présume quand même que vous êtes contre l’esclavage. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que ma famille possède plus d’esclaves que n’importe qui dans cette ville. Pour être honnête, et sans me prononcer quant à l’esclavage, je tiens à vous dire que je trouve que l’Angleterre est un pays incroyable à bien des niveaux. Les Etats-Unis devraient prendre exemple sur cette remarquable île européenne, qui semble avoir compris de nombreuses choses avant nous et où tout paraît si civilisé. » Eveline se rendrait peut-être compte que je n’étais pas uniquement son ennemie dans cette lutte contre l’esclavage même si, au fond, je devrai toujours, contre mon gré, me ranger du côté des esclavagistes.
J’étais très étonnée que miss Thorne accepte de retourner vers la ville, plus fréquentée, et qu’elle n’insiste pas sur le bayou. Miracle, elle avait peut-être compris que c’était dangereux et elle n’y mettra pas les pieds de sitôt. Lorsqu’Eveline évoqua ses sorties culturelles au théâtre, je souris en repensant aux pièces auxquelles j’avais assisté. « J’avais moi-même l’habitude de me rendre régulièrement au théâtre à Boston. Shakespeare est mon dramaturge favori. Vous avez également dû voir bon nombre de ses pièces à Londres. » J’aurais dû me douter qu’Eveline Thorne aimait se rendre au théâtre. On y apprenait énormément, mais les pièces nécessitaient bien souvent une certaine culture, un certain raffinement, ce qui faisait que bien des gens pensaient comprendre ce qui se passait sur scène alors qu’ils n’en saisissaient même pas la moitié. « Pour être honnête, je n’ai pas vraiment fait grand-chose pendant ces trois premiers mois. J’ai beaucoup lu et puis je me suis un peu lamentée sur mon sort car Boston me manque énormément. J’espère que vous n’aurez pas autant le mal du pays. J’aide également le comptable de mon père, Charles et cela me prend pas mal de temps. Enfin, heureusement que votre cousin était là pour me changer les idées. Et puis, je dois reconnaître que votre arrivée a également bien occupé mes journées car il y avait vraiment beaucoup de rumeurs qui circulaient. » Je lui fis un clin d’œil avant de me dire que j’étais peut-être allée trop loin. Et puis non, j’avais bien fait. Peut-être allait-elle maintenant essayer d’en savoir plus sur les rumeurs qui couraient à son propos. Sans doute savait-elle de quoi il s’agissait. Kane lui en avait peut-être même déjà parlé. Quoique, il n’avait probablement pas voulu la faire souffrir. Mais bon, d’un autre côté, Eveline Thorne semblait être une femme qui se moquait éperdument de ce qu’on pouvait dire et penser d’elle. « Mais dites-moi, pour vous qui avez passé toute votre vie à Londres, quelles ont été vos premières impressions en arrivant aux Etats-Unis ? La traversée s’est-elle bien passée ? Le bateau est un moyen de transport peu apprécié par beaucoup. Vous accommodez-vous de la chaleur ? Boston connaît un climat comparable à celui de l’Angleterre, je pense donc que nous devons toutes les deux nous habituer à ce changement de température. Ce n’est pas désagréable mais j’ai du mal à m’y faire pour ma part. » Voilà maintenant que je commençais à lui raconter mes états d’âme comme si nous étions les meilleures amies du monde. Où tout cela nous mènerait-il ? J’avais en tout cas beaucoup de mal à la cerner mais j’étais curieuse, je voulais en savoir plus sur elle et essayer de comprendre comment elle fonctionnait. Ce qui n’était pas gagné, apparemment.

uno

Pensait-elle sincèrement qu’Eveline allait lui répondre en toute honnête sur cette question ? Pour ou contre l’esclavage ? Bien sure que non. Elle secouait doucement la tête. « J’ai bien peur ne pas encore su faire mon opinion sur le sujet. Je viens après tout à peine de débarquer et cela serait mal venu si j’avais déjà une réponse toute fait sur un sujet donc je connais que très peu. » A Londres cela n’existait plus, bien sure les domestiques restaient des gens à ne pas fréquenter. Mais de là à dire que ces personnes n’avaient aucune droit sur leur vie, leur corps… non cela ne se voyait plus du tout en Angleterre. Eveline hochait néanmoins la tête. Oui oui, elle connaissait les Rivera de réputation et connaissait bien leur trafic d’esclavages. Néanmoins la brunette arquait un sourcil en entendant la suite des paroles de la blonde. Etait-elle en train de rêver ou est-ce que Laurel mettait son pays natale sur un pied d’estal ? Se moquait-elle d’elle ? Eveline scrutait son visage, à la recherche d’une trace de moquerie, mais n’en trouvait guère. Une chose était certaine, elle n’allait pas tarder à demander plus d’informations à Kane. Est-ce qu’ils étaient réellement de si bons amis comme elle semblait le prétendre ? Et si oui, que devait-elle penser de la Rivera en face d’elle ? Si au début Eveline ne la trouvait pas du toute intéressante, et la voyait comme une des milliers parasites à la recherche de quelques rumeurs à se mettre sous la dent. Elle doit dire qu’au fil du temps Laurel arrive à capter un peu plus son attention. « Vous devriez y aller, visiter, voir de vos propres yeux. » Certes le voyage n’était pas toujours des meilleurs. Mais Londres en fallait la peine, ah mais c’était peut-etre l’âme anglaise qui disait ca.

« Oh non autant que j’adore Londres, cette partie de ma vie est terminé. Je préfère aller de l’avant plutôt que de regarder derrière moi. » De toute manière même si elle le voulait, ca serait vraiment une très stupide chose de sa part de retourner là-bas. Trop de choses s’étaient passés, trop de rumeurs circulaient. Et puis de toute manière, il y avait aussi beaucoup de mauvais souvenirs. Autant les garder enterrer là-bas et de ne plus y penser. « Mmm j’espère au moins que ca soit des rumeurs flatteuses. » Mais ce qu’elle aimerait surtout savoir c’était comment était son futur époux, Kane avait été très vague à son sujet et ca ne convenait pas à Eveline , bien sure voulait en savoir bien plus.

Étrangement si au début Laurel n’avait fait que de la canarder de questions, voilà qu’elle commençait quasi un monologue sur ses états d’âmes. Mmm d’accord, en parlant d’un changement radicale d’attitude. » Oh non je vous déconseille le bateau comme moyen de transport. C’est horrible, c’est long et on se demande si un jour on va revoir la terre. » Non cela avait été un voyage fatiguant et pénible. Après le voyage en carrosse n’avait pas non plus été des plus convenables. « Je ne pense pas que j’aurais du mal à m’acclimatiser. Il pleut la plupart des jours à Londres, ce qui rend les promenades pas toujours possible. Je pense qu’ici j’aurais plus de temps à être dehors. » Oui, au moins ici elle allait pouvoir monter plus souvent à cheval, et puis aussi peindre dehors. Rien que l’idée lui plaisait déjà beaucoup. « Je présume que vous avez du laisser beaucoup d’amies derrière vous à Boston ? » Quitter Londres n’avait pas été fort difficile pour Eveline, car la seule réelle amie qu’elle avait l’accompagnait. Alors elle n’avait pas du dire au revoir à qui ce soit.

Je me doutais bien qu’Eveline ne me répondrait pas clairement quant à sa position sur l’esclavage. Elle était bien trop intelligente pour cela. Après, j’avais moi-même pris un risque en essayant de lui faire comprendre que j’étais contre l’esclavage et je le regrettais presque puisqu’elle ne m’avait rien lâché. Ce n’était pas très juste.
Aller visiter Londres, elle en avait de bonnes elle. Je ne demandais que ça, moi ! Si seulement je pouvais faire ce que je voulais. Pourtant j’avais déjà beaucoup voyagé mais je ne m’étais encore jamais rendue en Angleterre. Je ne comprenais pas du tout comment on pouvait quitter un pays aussi civilisé que l’Angleterre pour cette nation sur le point de débuter une guerre civile. Enfin bon, je devais reconnaître que si j’étais à la place d’Eveline, j’aurais probablement fui moi aussi. Je suppose que les rumeurs étaient encore pire de l’autre côté de l’Atlantique. Heureusement qu’elle habitait à Londres et pas dans un petit village où les rumeurs se répandaient partout, plus vite qu’une traînée de poudre. La réponse d’Eveline sur sa traversée en bateau me fit sourire. « Et bien, en ce qui me concerne, j’adore le bateau. Ma famille possède un navire, amarré à Cape Code. Nous naviguions très régulièrement. Il est clair que je ne connais que notre bateau. Je n’ai jamais voyagé sur un paquebot avec d’autres gens et je pense que je n’apprécierais guère le voyage. » Elle devait sûrement déjà se dire que j’étais prétentieuse. Au moins, elle aurait une bonne raison. « Ah ça, c’est certain qu’ici vous pourrez passer énormément d’heures dehors. Vous avez l’air de bien aimer votre liberté et votre indépendance, de ce fait, de ce que j’ai vu de la Nouvelle Orléans, c’est la ville parfaite pour vous. » Ce qui m’inquiétais plutôt, c’est que j’espérais qu’elle pourrait continuer à faire ce qu’elle voulait une fois qu’elle serait mariée et qu’elle ne serait pas aussi limitée que moi dans ses paroles, opinions et actions. « Cela m’étonne que vous vous promeniez seule dans cette ville, sans personne pour assurer votre sécurité et ce, malgré votre statut. » Je n’arrêtais pas de lui reprocher des choses que je faisais, moi aussi. Elle allait probablement s’en rendre compte directement, j’aurais dû réfléchir avant de lui faire part de mon étonnement. « Oui, j’avais beaucoup d’amis à Boston et j’ai dû tous les laisser derrière moi. C’est probablement pour ça que j’ai énormément de mal à m’habituer à la vie ici. D’un autre côté, entre nous, j’étais mariée et mon mariage n’était pas des plus heureux. J’étais donc contente de m’installer loin de mon ex. »
Maintenant que je parlais avec l’Anglaise et que j’apprenais à la connaître, je me demandais vraiment si elle était capable de meurtre. Après tout, on m’avait toujours dit que tout le monde était capable de commettre l’irréparable dans des situations extrêmes. Au fond, c’était peut-être vrai. En tout cas, Eveline ne ressemblait en rien à une meurtrière. Peut-être avait-elle dû faire face à une situation extrême ? Cela resterait un mystère puisque je n’allais certainement pas poser la question à Kane et encore moins à la veuve directement. Elle n’avait pas l’air de vouloir se confier ni donner son avis. J’avais déjà l’impression qu’elle n’était pas toujours très franche. Je n’allais donc pas l’interroger sur le sujet. Enfin, si j’arrivais à me taire en tout cas parce que ce n’était pas mon fort. « Je n’ai même pas encore eu l’occasion de vous demander si tout se passait bien avec Mr Levinson ? Avez-vous des enfants de votre précédent mariage ? » Cette relation m’étonnait vraiment beaucoup et je voulais entendre ce qu’Eveline avait à dire sur le sujet. Certaines rumeurs parlaient d’un mariage arrangé. En tout cas, si James Levinson était tel que ce qu’on disait de lui, l’Anglaise aurait du mal à garder son indépendance et sa liberté d’actions. Bienvenue dans ce monde où les riches hommes blancs détiennent le pouvoir et où la femme est soumise. Tout ce que je déteste !

uno

Mmm Eveline n’était pas vraiment d’accord avec les paroles de Laurel. C’est vrai que quelque part ici elle aurait plus d’occasions d’être dans la nature, d’être seule. Mais de là à dire que c’était la ville parfaite pour la liberté. Eveline trouvait cela assez ironique venant de la part d’une vendeuse d’esclaves. « Mmm laisser moi malgré tout en douter. Vu les regards curieux des gens. Je pense qu’on ne peut nullement être libre de ses propres gestes tant qu’on a des autres yeux qui nous observent. » Et elle ne se faisait pas d’illusions. Londres ou la Nouvelle-Orléans. Ca allait être la même parodie partout. Sourire, dire ce qu’on attendait, et être présentable. Ma foi cela ne la dérangeait pas vraiment. Elle avait l’habitude de faire semblant, à croire que c’était même devenue comme porter un vieux manteau. Quand à sa sécurité, Eveline hôchait les épaules. « Je n’ai guère aimer le cocher qu’on m’avait attribué. Et je n’ai pas encore trouvé la personne adéquate pour le remplacer. » Non, après que le malheureux eu l’idée d’interrompre une conversation entre Kane, Pearl et elle. Tout en dénigrant Pearl… il s’était bien cassé les dents face à Eveline. Qui n’avait dulgé aucune interruption dans une conversation et encore moins qu’on s’attaque à Pearl. Eve savait parfaitement qu’elle s’était déjà fait un ennemi mais au fond elle se fichait bien. Il n’allait pas trop parler car elle s’était assurée que si jamais il ose dire du mal, elle allait personnellement s’assurer que personne en ville voudrait encore de ses services. Quelque part l’utilisation de son futur nom de famille l’avait déjà donné du pouvoir, et elle adorait ca.

Son mari… bonne question. « Tiens donc… J’aurais cru que vu les rumeurs qui courent à mon sujet, certains auraient quand même parler de ma descendance ? Mais non. Je n’en ai pas eu. J’ai bien peur que mon précédent époux n’était pas apte à en avoir… du moins selon les dires du médecin. » Et pour cause, Ev’ s’en était bien assuré. Dès la première fois qu’il l’ait frappé, elle s’était arrangé que tous les matins il y avait quelques graines de son potager personnelle, pour s’assurer que jamais elle allait avoir des enfants avec un tel monstre. Bien sur, il ne l’a jamais su, et une chance sinon elle ne serait sûrement plus de ce monde. « Et pour ce qui est de mon fiancé, c’est Kane qui a tout arrangé. Je me fie à son jugement. Et pour l’instant je n’ai pas encore eu beaucoup de temps pour apprendre à le connaître. Les affaires le réclament. « De toute manière, Eveline ne souhaitait pas plus que ca apprendre à le connaître. Son précédent mariage n’avait été que catastrophe au sein du couple, bien que face au monde c’était un couple parfait.

« De toute façon, vous avez l’air habituée par les regards et les jeux d’apparence. Je suis bien placée pour dire que c’est quelque chose qui s’apprend petit à petit et vous semblez être parvenue à un niveau de maîtrise remarquable. » Après tout, c’était vrai, alors autant lui faire part de mes pensées. « Je pensais pourtant que Londres était une ville tellement grande, qu’il était facile d’y passer inaperçu. Enfin je suppose que les rumeurs circulent là-bas aussi. » Surtout les rumeurs selon lesquelles Eveline avait assassiné son mari. Ca, c’est ce que je me contentais de penser car je n’allais pas lui dire une chose pareille, je trouvais déjà que je me permettais parfois d’aller un peu trop loin. Je n’avais pas entendu parler de l’histoire du cocher, ce qui m’étonna par ailleurs. J’allais devoir me renseigner pour savoir ce qui s’était passé ! Le pouvoir appartient à celui qui détient l’information et je ne supportais pas être laissée dans l’ignorance. « Le cocher vous-a-t-il manqué de respect ? » Je me dis qu’en lui posant une question, j’allais peut-être en apprendre davantage… enfin j’en doutais quand même car Miss Thorne n’était pas du genre à s’étendre sur sa vie. Qui ne tente rien n’a rien et j’espérais quand même avoir quelques informations sur cette fameuse histoire. « Et bien étonnamment, non, aucune rumeur ne concernait votre descendance. Et puis, je ne participe pas beaucoup aux rumeurs, vous savez, je préfère me renseigner à la source. Au moins, presque tout ce qu’on apprend est ainsi correct. » Excellente celle-là. Bon, il était vrai que je ne répandais pas les rumeurs, mais j’aimais quand même énormément les entendre et savoir ce qui se passait à la Nouvelle-Orléans. Ainsi donc l’Anglaise n’avait jamais eu d’enfants. « Excusez-moi de vous avoir fait pensé à votre ex-mari. En parler doit toujours évoquer des souvenirs très douloureux pour vous. Enfin, son décès je veux dire… Vous êtes venue ici pour vous changer les idées et voilà que je vous ramène à penser à lui. Pourtant, je suppose que l’on vous questionnera encore de temps en temps à son propos. Les gens sont d’une curiosité malsaine même si beaucoup se contentent des rumeurs et peu osent poser ouvertement des questions. » Je n’avais jamais compris pourquoi les gens n’étaient pas franches et ouverts. Je n’étais pas du genre à me laisser marcher sur les pieds et à obtempérer sans commentaire lorsque je n’étais pas d’accord, contrairement à de nombreuses femmes. Il était vrai qu’être une femme indépendante et libre était plutôt compliqué dans cette société et beaucoup se pliaient aux règles établies pas les hommes. Ce qui n’était pas mon cas. « Oui, vous semblez être proche de Kane et je suis certaine que son choix ne peut que s’avérer excellent. Vous aurez probablement l’occasion de faire connaissance avec Monsieur Levinson très bientôt. Je reconnais que c’est une période plutôt chargée pour le commerce d’esclaves, mon père est également très occupé pour le moment. » Et je n’allais pas m’en plaindre ! Moins je le voyais, mieux je me portais. J’avais ainsi l’opportunité de mener ma vie comme je l’entendais. Quel bonheur !
« Mais dites-moi, connaissez-vous cette Pearl depuis longtemps ? »

uno

« Il est préférable qu’une femme garde ses pensées pour elle. » Eveline ne voyait pas spécialement ceci comme un jeu mais comme la fatalité. Trop de choses étaient en jeu quand on réveillait ce qu’on pensait réellement. Et puis quelque part, son caractère était fait pour garder tout ces secrets au fond de son coeur. Eveline ne se confiait réellement que très rarement. « Londres est en effet plus grand qu’ici. Mais les cercles de la haute societé ne sont pas si grandes que ca. » Non en effet chacun continue à circuler dans son propre circle et au final au plus haut qu’on va au plus que les cercles se referment. Et les rumeurs y circulent très vite, surtout que la plupart de ces femmes n’ont rien d’autre à faire. Et on ne peut les en vouloir… Au fond prendre un travail serait mal vu. Eveline par contre pouvait se consacrer à sa peinture, et s’éloigner un peu de toutes ces personnes qui aiment faire circuler des rumeurs sur tout et sur rien.

Eveline posa son regard quelques instants sur Laurel, pesant le pour et le contre. Puis finalement decida de répondre à sa question. « Disons qu’à Londres je n’ai pas pour habitude que les domestiques ni valets écoutent et encore moins interrompent une conversation entre mon cousin et moi. » Bon le fait qu’il l’avait également enervé en traitant Pearl de la sorte, elle n’en fit pas part. Mais ce n’était pas pour autant un mensonge. Eveline qui était très traditionelle n’aimait pas du tout qu’un domestique vienne se mêler d’une conversation. Encore moins pour dire ce qu’elle devait faire. « Et le pire… C’est qu’il me disait ce que je devais faire… Moi qui voulais marcher, j’étais censé monter en carrosse. Alors que j’avais été asssise dedans depuis des heures. Enfin… je l’ai remise à sa place et je doute fort qu’il ai apprécié. » Maintenant si la rumeur ne s’était pas propagé, c’était que les menaces qu’Eve avait effectué à l’adresse du cocher avaient été efficaces.

« Oui en effet je ne pense pas que mon futur époux appréciera guère qu’on me parle sans cesse de mon défunt mari. Ce n’est pas très juste par rapport à lui, n’est-ce pas ? » Et pour la part d’Eveline c’était tout ce que les gens allaient savoir sur ce qui était oui ou non passé à Londres. Eveline ne savait rien d’autre répondre lorsqu’elle fit part des commerces d’esclaves. Elle ne s’y connaît pas, et cela ne l’intéressait pas plus que cela. De toute manière les affaires en général ne l’intéressent très peu. Elle hausse les épaules quand on parle de Pearl. « Depuis ma jeunesse. Pourquoi ? »

Garder ses pensées pour soi. Oui, en effet, c’était préférable même si c’était parfois très compliqué d’être sans cesse reléguée au second rang. J’avais toujours eu beaucoup de mal à m’y faire, même si forcément, nous y étions toutes contraintes. Je n’osais imaginer ce que ressentaient les esclaves. Je déplorais le manque d’humanité dont la plupart des riches faisaient preuve et cela me rongeait de ne pouvoir m’exprimer sur le sujet. Heureusement que Kane était là… Il était vraiment le seul à connaître ma réelle position quant à l’esclavage. « Cela ne m’étonne pas vraiment que les rumeurs circulent rapidement à Londres également. Certains ne vivent que pour ça ! Je me demande si ça les rend heureux d’ailleurs.» Depuis que je suis arrivée à la Nouvelle Orléans, et étant donné que je ne suis pas encore beaucoup sortie du manoir, tout le monde n’avait de cesse de me dévisager en rue. Je commençais à m’y habituer. Et de toute façon, cela ne me dérangeait pas le moins du monde puisque je me moquais royalement de ce qui pouvait bien se dire sur moi. Je devais donner l’impression d’être une vraie petite princesse hautaine et cela me convenait. Au fond, j’étais bien plus que ça, mais je détestais m’ouvrir réellement aux autres. Personne n’avait besoin de savoir que j’étais plus fragile que je ne le laissais paraître. C’est quand même marrant, ou plutôt devrais-je utiliser le terme intriguant, cette faculté qu’à l’être humain à prétendre. Prétendre que tout va bien, prétendre qu’on est quelqu’un d’autre que qui on est réellement.
Lorsqu’Eveline me raconta l’histoire du cocher, je ris. Décidément, elle ne se laissait vraiment pas marcher sur les pieds « Vous avez bien fait. Les gens ici ne sont pas habitués à ce que les femmes leur répondent. Même les hommes de statut inférieur se croient supérieurs à nous et le pire, c’est que bien souvent, ils n’obtiennent aucune réaction car les femmes ont tellement l’habitude d’être reléguées au second rang qu’elles ne disent plus rien. Cela me fait plaisir de voir que vous êtes différente. J’espère que même ici, vous garderez cet état d’esprit. »
C’était vraiment incroyable la manie qu’Eveline Thorne avait de chaque fois éviter de parler de son ancien époux. Souhaitait-elle réellement ne plus penser à lui car cela la rendait triste ? Ou y avait-il une autre raison ? J’étais persuadée qu’elle cachait beaucoup plus que ce qu’elle ne voulait laisser penser. « Vous avez raison, autant ne pas parler du passé. Il y a des choses qu’on préfère oublier, je suis tout à fait d’accord avec vous. » Oui, en effet, je préférais personnellement oublier tout ce qui s’était passé avec Matt et ce mariage rempli d’obligations et de malheur.
Pas très loquace à propos de sa dame de compagnie non plus. « Oh, vu que vous semblez être tellement proches, je me demandais pourquoi… Je comprends mieux maintenant, vous vous connaissez depuis de nombreuses années. Vous m’avez dit que vous aimiez l’équitation. Possédiez-vous des chevaux à Londres ? Vous devez être très heureuse des grands espaces, ici. Vous aurez tout le loisir de pratiquer votre passion. »

uno

Eveline ne se voyait pas spécialement comme une femme forte. Avec tout ce qu’elle avait vécue dans son mariage précédente, elle n’avait vraiment pas été quelqu’un de forte. Non, elle survit mais elle n’était pas quelqu’un de fortt. Du moins à son avis. Eveline avait tout bonnement été éduquée comme telle. Elle savait qui elle était, elle connaissait sa situation, et elle n’aimait pas que quelqu’un surpasse sa propre situation. Après tout elle était fière d’avoir du sang noble dans ses veines et ce n’était sûrement pas un cocher qui allait lui dicter sa conduite. « Je dois avouer que j’ai quand même été fortement surprise de voir la facilité qu’il avait à surpasser sa situation… J’espère que ce n’est qu’un individu et que de tels libertés ne soient pas permises par d’autres. » oui, pendant un instant elle s’était même demandé si elle avait quitté le monde civilisé pour un monde barbaresque ou les coutumes et la politesse ne semblait être que du vent. Elle ose espérer que non.

Tiens donc…. Après tant d’efforts, voilà que Miss Rivera abandonne enfin l’idée de connaître la vérité sur les rumeurs. Bien… ca aurait prit du temps avant qu’elle finisse par comprendre que les lèvres d’Eveline était scellé en ce qui concernait son mariage précédent. Encore une fois, question d’éducation. Elle avait apprit que tout ce qui se passe dans un mariage ne put en aucun cas se faire savoir à l’extérieur de la maison. Ainsi peu de gens étaient réellement au courant que son époux n’était rien d’autre qu’un tyran. Dans le beau peuple de Londres cela avait été un homme serviable, gentil et honorable. En coulisse néanmoins cela avait été un monstre. Mais comme le veut son éducation, Eveline avait mit son plus joli masque et jouer la comédie comme une bonne épouse le ferait. Cela faisait ni d’elle quelqu’un de forte, simplement une bonne actrice. Et encore aujourd’hui elle ne comptait pas parler de ce qui s’était passé dans la chambre à coucher ou encore dans la maison. Laurel semblait également oublier le sujet Pearl. Bien, car quand il s’agissait de son amie, Eveline devenait méfiante. Elle comprenait très bien que son amitié avec Pearl n’était pas vu d’un bon œil et elle n’avait en aucun cas envie d’alimenter le feu des rumeurs. Laurel passait sur un autre sujet, les chevaux. Mmm avait-elle réellement abandonner son envie de découvrir plus sur les rumeurs, ou est-ce que ce n’était qu’une manière espiègle pour arriver à ses fins ? Oui, j’ose l’espérer. A Londres l’équitation était rare. Il fallait se rendre en dehors de la ville pour pouvoir pratiquer. Ainsi donc ne pouvais-je pas en faire autant que j’aurais voulu. J’ose espérer qu’ici ca en sera autrement. « Seul l’avenir nous le dira. « Mais dites-moi… et vous ? N’avez-vous pas envie de vous marier ? Vous êtes jeune, belle, riche… les hommes doivent bien vous tourner autour. »

« Je suppose qu’il s’agissait bien d’un événement à part qui ne devrait plus se reproduire. Et puis de toute façon, une fois que vous serez mariée et que les gens vous associeront directement à James Levinson, je présume que vous n’aurez plus aucun problème. Le pouvoir va de pair avec le nom. C’est fou comme la société fonctionne au pouvoir. » Et oui, on avait de la chance d’être né du bon côté du monde et avec la couleur de peau associée à la classe supérieure. Je savais reconnaître ma chance contrairement à la majorité de la population de la classe supérieure pour qui cette situation était innée et naturelle.
Je n’avais personnellement jamais beaucoup aimé l’équitation. J’aimais mieux m’asseoir dans un carrosse et me laisser conduire, mais surtout marcher. Je n’avais toujours eu confiance qu’en moi-même, ce qui excluait toute confiance envers les autres mais aussi envers les animaux. Je préférais me rendre où je le désirais à la simple force de mes jambes et de mes pieds, je pouvais ainsi aller où je le désirais quand je le désirais et en toute discrétion. Je pouvais m’arrêter, ralentir ou accélérer facilement sans être repérée.
Je fus surprise lorsque Eveline m’interrogea sur ma vie sentimentale. C’était la première fois que l’Anglaise me posait une question réellement personnelle, et la première fois qu’elle me flattait. J’avais l’impression de percevoir une sortie d’ironie dans sa voix, sans savoir si je me faisais des illusions ou pas. « Vous savez probablement tout comme moi que le mariage est moins une question d’envie que d’obligation, pour des femmes de notre position. Je ne crois pas en l’amour au premier regard mais je suis convaincue qu’une sorte de lien artificiel peut se construire au fil du temps. Mais si vous désirez la vérité, je suis toujours officiellement une femme mariée, enfin sur papier uniquement car mon époux vit à Boston et notre mariage est pour ma part bel et bien terminé. Bref, je ne souhaite pas que toute la ville soit au courant puisque je me considère comme libre et célibataire. » Non, vraiment aucun lien ne s’était construit avec Matt et ce n’était pas plus mal car je ne supportais pas ce genre d’individu. D’ailleurs, il me faisait penser à James Levinson. Tous les deux aussi égocentriques l’un que l’autre. J’espérais que cela allait mieux se passer pour Eveline que pour moi. A vrai dire, j'avais envie de tester Eveline. Je me demandais si elle allait garder ce que je venais de lui dire pour elle ou si elle allait très vite trouver sa place dans la population locale et commencer à diffuser des rumeurs comme tout le monde par ici.
On était arrivé sans le vouloir sur la place du marché et en plein milieu d’une vente d’esclaves. Une vraie foire. Les coups de fouet retentissaient dans l’air.
« Quelle est votre opinion sur les armes en général ? En avez-vous déjà utilisé par le passé? Je suppose que vous n’avez pas l’habitude d’utiliser la force avec vos esclaves ?!» Bon, peut-être que j’allais quand même en apprendre davantage finalement ?

uno

Eveline réfléchissait a ce qu’elle venait d’apprendre. C’était assez étrange d’être officiellement mariée, mais de se faire passer pour une femme célibataire. A vrai dire c’était bien la première fois qu’elle entendait une telle chose. Et personnellement elle ne savait pas trop ce qu’elle devait en penser. Elle portait le nom de son mari mais n’en fut guère profit vu qu’elle se fit passer pour une simple célibataire. Certes cela lui donnait beaucoup de liberté, elle ne devait en premier lieu pas chercher un autre époux. Maintenant d’un autre côté le jour ou elle trouvait vraiment quelqu’un à son goût, ca risquait de poser soucis. Et puis aussi. « En effet cela vous donne une grande liberté…. Mais vous ne souhaitez pas avoir d’enfants ? » Et puis ce genre de relation, cela va de deux côtés. Si jamais lui il voulait avoir une descendance, il allait devoir trouver nouvel épouse. Tôt ou tard est-ce que ce conte de fée qu’elle semblait vivre n’allait il pas la rattraper ? Ah et puis de toute manière cela ne la regardait pas, si ? En tout cas si elle avait soupçonné qu’il y avait plus que de l’amitié entre elle et Kane, cela disparaissait légèrement maintenant qu’elle le savait malgré tout encore mariée. Même si au fond cela ne voulait pas dire beaucoup et il fallait quand même qu’Eveline enquête auprès de Kane.

C’était une des premières fois qu’Eveline voyait une vente aux esclaves. Et malgré le fait qu’elle était au courant de ce genre de pratique. Elle n’aurait jamais pu s’imaginer la barbarie que c’était. Elle commençait à mieux comprendre pourquoi Kane avait voulu que Pearl reste à Londres. Eveline ne quittait pas du regard le marché. Et c’était donc ca dans quoi trempait son futur mari ? Mmm elle comprenait que cela pouvait rendre les gens riches, mais quand même… était-elle donc la seule à voir la barbarie de tout ca ? Même la vente aux animaux ce passe dans des meilleures conditions…. « Je n’ai pas d’esclaves. » Enfin ca allait changer dans la maison de son futur epoux. Mais Eveline n’avait eu que des domestiques et non elle n’avait jamais levé la main sur aucun d’entre eux. Si ils convenaient pas, elle les virait, point barre. Finalement Eveline détournait le regard de cette barbarerie pour se tourner vers Laurel. « Non je n’ai jamais utilisé le fouet autre que pour monter à cheval. Et vous ? Comment faites-vous obéir vos esclaves... » Kane aurait quand même pu la prévenir sur la barbarerie grotesque que tout cela était.

Je voyais bien qu’Eveline avait l’air plutôt perturbée par ce que je venais de lui raconter. J’aurais peut-être dû m’abstenir d’ailleurs. C’est vrai que c’est quelque chose que les rares personnes à qui j’en avais parlé, n’avaient pas comprise. Mais bon, c’était encore une décision de mon père et je ne savais pas moi-même l’expliquer, même si la situation me convenait. Je ne comprenais cependant pas très bien les intentions de mon père sur ce point. Il était vrai que le divorce n’était pas commun dans les mœurs, et donc mon père était persuadé que cela nuirait à la réputation de la famille. Un des moyens de ne plus être mariée sur papier était la mort de mon ex-mari. Mais contrairement à Eveline, je n’allais pas le tuer. La pauvre, si ça se met, elle ne l’avait même pas tué. Non, cela ne me ressemblait pas de plaindre quelqu’un. D’autant plus qu’Eveline ne semblait pas être une personne qui voulait qu’on la prenne en pitié. Mais je ne savais pas pourquoi, je commençais à apprécier Eveline. Elle n’était pas conventionnel et cela me plaisait. Je n’arrivais vraiment pas à décider si je pensais qu’elle pourrait être capable de tuer ou non. Tuer pour survivre, oui. Mais était-il question de vivre ou survivre dans cette histoire ? Difficile à dire tant que je n’en apprenais pas plus, et cela risquait de ne pas arriver vu qu’Eveline gardait le silence. « Des enfants ? Je suppose que je vais bien finir par devoir avoir un garçon pour continuer la descendance Rivera. Mais à nouveau, c’est plus une question d’obligation que d’envie. Je suppose que vous n’allez pas y échapper non plus avec Levinson. » Je me demandais si elle-même y avait déjà pensé. Parce que je ne doutais pas que Levinson était comme tous les autres et ne désirait qu’une seule chose, une descendance pour reprendre ses activités et l’élever à son image tout comme mon père avait essayé de le faire avec moi. J’étais persuadée qu’il regrettait toujours de ne pas avoir eu de garçon. Il devait se contenter de moi, tant pis si ça ne lui convenait pas. Au fond, j’étais sûre que je lui ressemblais à bien des égards même si je cela ne m’enchantait guère de l’admettre.
« Vous n’avez pas d’esclaves ? » Alors là, je ne m’attendais vraiment pas à cette révélation. Je sentais qu’Eveline n’était pas du tout à l’aise dans cet environnement. Rien qu’observer la vente semblait la déranger. Et en toute honnêteté, je n’aimais pas y assister moi non plus même si pour moi, cela faisait partie de la norme et je n’avais pas besoin de détourner le regard, contrairement à l’Anglaise. Je me demandais quand même quelle réaction Levinson aurait lorsqu’il se rendrait compte que sa femme n’a pas d’esclaves et qu’elle ne compte pas utiliser la violence pour les faire obéir. Tout l’opposé de ce tyran. « Je ne suis pas une très grande fan de la violence non plus même si en théorie, mon nom devrait m’obliger à y recourir de temps en temps. Je vois de terribles choses mais je n’adhère pas à ces pratiques barbares personnellement. Je présume que vous vous trouverez rapidement dans la même position que moi. Rassurez-moi, vous avez quand même déjà vécu dans un manoir où il y a des esclaves pour répondre à vos demandes et où la violence fait partie du quotidien? » Sinon, Eveline aurait vraiment dû mal à se faire à la vie ici, la vie avec Levinson.

uno

Comment voulait-elle avoir des enfants si elle était supposée être célibataire ? Mmm compliqué cette histoire. Par contre à ce qui comptait pour Eveline elle haussait les épaules. « Je n’ai rien contre les enfants, j’aimerais même en avoir. Mais avec mon ancien époux cela ne s’est jamais fait. » Bon certes elle y avait ajouter son grain de sel pour que cela ne se produise pas. Car elle ne voulait pas avoir d’enfants d’un tel monstre. Restait maintenant à voir comment était son futur tendre. Mais quelque part, elle pensait déjà avoir vu pire. Ca serait vraiment de la malchance de retomber à nouveau sur quelqu’un qui la batte…. Ca fit sourire Eveline de voir que Laurel semblait être surprise d’entendre qu’elle n’avait pas d’esclaves. Pourtant c’était assez logique non ? « J’ai congédié tous ceux qui étaient à mon service. Il n’y a que Pearl qui m’a accompagné jusqu’ici. Et en arrivant en ville, je ne me suis pas directement mise à la recherche de doméstiques ou… d’esclaves. » Eveline s’était dit qu’il y avait bien assez de monde chez son futur époux, non ? Laurel semblait à moitié comprendre ce que cela voulait dire un pays ou y a pas d’esclaves. Elle hoche négativement la tête. « Non j’ai vécue toute ma vie à Londres, et comme vous le savez l’esclavage n’existe plus depuis bien longtemps. Nous n’avons que des doméstiques. Oh bien sure il y en a qui ne traitent pas spécialement bien ceux qui travaillent pour eux. Mais je ne pense pas que leur existence soit aussi… horrible que celui d’un esclavage ici. »

La violence, oui elle la connaissait que trop bien. Mais elle pensait y avoir échappé. Mmm une fois de plus Eveline devait avouer que Kane n’avait peut-être pas eu tord en lui disant de laisser Pearl derrière. Mais ce n’était pas sa décision. Et puis de toute manière soyons honnête, sans Pearl, Eveline n’aurait sûrement pas eu le courage ni la force de venir jusqu’ici. « Je vous dirais bien comment cela se passe dans ma future maison... » Bon, Eveline en avait vu assez. Elle avait marre de ce spectacle horrible qu’était une vente en enchère d’esclaves. Franchement était-elle donc réellement la seule à voir cela de cette façon ? En examinant le visages des gens qui l’entouraient il fallait croire que oui. « Allons donc ailleurs, je ne vois rien qui puisse m’intéresser ici. » Tout à coup le bayou lui semblait bien plus intéressant et plus sympathique que les cris et les personnes qui ne semblaient plus avoir aucune âme. Eveline ne voulait même pas savoir comment on pouvait devenir ainsi.

Je n’avais personnellement pas le temps de m’occuper d’un enfant. Un enfant réduirait davantage ma liberté et c’était la chose qui m’était la plus précieuse. Donc non, ce ne serait pas pour tout de suite… Tant que père ne m’y obligeait pas, autant en profiter. De toute façon, il allait d’abord falloir que je comprenne ses intentions quant à mon mariage avant de penser à ma et donc sa descendance. « Et bien je présume que Levinson sera heureux de savoir que vous voulez des enfants, non pas qu’il se souciera de votre avis mais… ». Je fus coupée dans mon élan (pour une fois d’honnêteté) car je venais de me rendre compte qu’en fait, Eveline avait passé très peu de temps avec Levinson et ne s’était peut-être pas encore rendu compte de ses nombreux défauts. Et puis qui sait, peut-être était-il charmant avec sa future épouse ? En tout cas, ce n’était pas mon rôle de lui faire part de mes impressions sur Levinson, elle se ferait son propre avis bien rapidement. « Enfin, ce que je veux dire, c’est que je suppose que Levinson connaît déjà votre avis. » Mouais, j’aurais pu mieux m’en sortir, c’est vrai. « Je dois quand même vous avouer que j’ai beaucoup de mal à imaginer une vie sans esclave. Vous n’avez pas trop de difficulté à ne plus avoir de responsabilité ici ? Vous ne devez pratiquement rien faire, toutes les tâches sont effectuées par vos esclaves, ou en l’occurrence ceux de Levinson, qui vont également devenir les vôtres. Cela doit être très déroutant. » Eveline avait plutôt l’air d’être quelqu’un qui avait l’habitude de tout faire toute seule et de ne pas avoir besoin d’esclaves pour le faire à sa place. « Après, chaque chose à ses bons côtés, reconnaissons-le. Vous rentrez chez vous et tout est prêt sur la table, pas besoin de cuisiner, de débarrasser, de faire la vaisselle ou même la lessive. » Je savais bien que ce n’était pas moralement juste pour tous ces Noirs d’être esclaves et de faire des tâches ingrates que personne d’autres ne voulaient faire mais je savais aussi que les choses n’étaient pas près de changer alors autant essayer de trouver un côté positif à toute cette situation. Au fond, j’essayais aussi de me convaincre moi-même parce que j’étais toujours persuadée que l’esclavage n’était pas bénéfique à bien des égards.
Eveline voulait partir, cela ne m’étonnait pas. Elle avait quand même tenu plusieurs minutes dans cette ambiance tellement particulière d’une vente aux enchères. Je fis un sourire en imaginant une rencontre au manoir entre mon père et Eveline. Ca pourrait très mal se terminer mais il ne serait pas habitué à ce qu’une femme lui réponde avec autant de répartie et il perdrait probablement ses mots. De toute façon, il ne fallait pas jamais qu’Eveline mette un pied au manoir. Les esclaves étaient traités de manière beaucoup trop violente et elle aurait du mal à l’accepter. Etait-ce différent chez Levinson ? Je me le demandais…

uno

« Pourquoi est-ce que j’ai l’impression que vous ne vous entendez pas trop bien avec mon futur époux ? » Kane n’avait voulu dire que très peu de choses sur lui. A vrai dire il était resté fort vague et Eveline n’avait pas tellement insisté. Elle aurait peut-être du. A moins qu’elle arrive à avoir plus de détails de la bouche d’une autre personne… « Ma vie est plus au moins la même que la votre… Le souper était servi à l’heure qu’on voulait, les lits étaient fait. La seule différence c’était que les gens étaient payés pour faire cela et non fouetter.. « Non, ce n’était pas à Eveline qu’on allait dire que les esclaves travaillaient mieux que des domestiques. Un le faisait pour pouvoir se nourrir l’autre le faisait pour éviter la mort. Puis pouvait-on réellement faire confiance à un homme ou une femme maltraité ? Par connaissance de cause, Eveline en doutait fortement. Une main qui maltraite finit toujours par se faire mordre. « Et dites-moi… a force de maltraiter des gens, personne n’a donc peur qu’un jour un de ces esclaves finit par verser du poisson dans le verre de son maître ? « Maitre parti moins de douleur n’est-ce pas. Mais cela ne semblait même pas avoir fleurit l’esprit de la jeune femme jusqu’à maintenant. Pourtant pour Eveline ca paraissait tellement évident. Surtout avec les vagues de proteste venant de l’autre côté du pays, les esclaves pouvaient avoir envie de se rebeller et la meilleure manière était bien sure de tuer celui qui est à la tête de leur souffrance. Pour Eveline c’était claire, esclave ou domestique elle traiterait les gens comme des humains. Mais elle n’interviendrait pas dans la manière de faire de son mari. Malgré ce qu’on pouvait penser, elle savait très bien ou était la place d’une épouse parfaite. C’était un rôle qu’elle avait déjà joué au paravent. Par contre… Faudrait qu’elle soit claire sur le statut de Pearl du coup. Il n’y avait qu’elle qui avait le droit de lui donner des ordres. Hors de question que Pearl se retrouve à couper des légumes en cuisine. Dame de compagnie est une dame de compagnie. Et ca, Levinson allait devoir l’accepter et le comprendre.

« Oh non non, ne vous méprenez pas, je ne connais pas assez votre futur époux pour me permettre de faire des jugements de valeur ». La dernière chose qu’il me fallait, c’est qu’elle aille répéter que je n’aimais pas Levinson. Mon père ne serait pas ravi si cela arrivait jusqu’à ses oreilles. Levinson était très important pour le commerce. Je ne savais pas très bien si je pouvais me confier ou non à Eveline alors autant ne pas le faire. « Je suis certaine que vous ne manquerez de rien avec lui ». Ce n’était pas un mensonge, j’étais vraiment persuadée que Levinson ferait tout pour son épouse. D’autant plus qu’Eveline était jolie, qu’elle venait d’une bonne famille. Il fallait donc bien qu’il fasse de son mieux pour la garder auprès de lui et pouvoir la mettre en avant lors des soirées mondaines et autres événements incontournables au sein de la population dorée de New Orleans.
Je n’avais jamais réellement penser à la possibilité de payer un esclave. Oui, j’étais contre ce système qui prônait l’esclavage et contre la violence, mais en réalité, je n’avais jamais réfléchi à une solution pour contrer le problème. En tous les cas, payer un esclave me semblait vraiment étrange. De toute façon, la plupart d’entre eux étaient logé et ils avaient même à manger en guise de salaire. Ca leur suffisait, non ? « Et bien, en réalité, je n’ai jamais pensé à la possibilité qu’un esclave puisse empoisonner son maître. Je sais que la plupart ne sont pas heureux à cause de tout ce qu’on leur inflige mais après, peuvent-il espérer mieux ? Pas pour l’instant je pense. La société n’est pas prête à subir un changement. » Bon, merci Eveline, j’allais quand même me méfier la prochaine fois que j’avalerais quelque chose. Je n’utilisais presque jamais de violence envers nos esclaves, mais je ne levais pas non plus le petit doigt pour eux lorsque je voyais mon père le faire. Ils devaient aussi me considérer comme la petite princesse complice. « Comment cette pensée vous est-elle venue ? Connaissez-vous quelqu’un qui a été empoisonné pour cette raison? » Eveline parlait comme si la situation lui évoquait quelque chose, comme des souvenirs. Comme s’il y avait quelque chose de personnel dans cette histoire. Probablement une de ses connaissances en Angleterre. Ca m’inquiétait quand même, pourquoi n’avais-je jamais pensé à cette éventualité plutôt ? En effet, les pauvres esclaves avaient toutes les raisons de vouloir se venger et je ne tenais pas à mourir empoisonnée.

uno

Peuvent les esclaves espérer plus ? Eveline hausse les épaules. Parfois la vengeance pouvait être assez tentant pour ne rien espérer par la suite. Mais elle se tu. « Je ne sais pas. Mais avec ce qui se passe de l’autre côté de l’Amérique… Ca peut les mettre à réfléchir. Et quelqu’un qui réfléchit peut être très dangereux… Ce n’est pas une des raisons pourquoi les hommes préfèrent que les femmes ne réfléchissent pas ? » Sourire au coin. Sans aucun doute allait-elle être d’accord avec Eveline. Mais le danger restait au fond pas moins vrai. Les esclaves pouvaient-ils se révolter ? Bien sur. Mais une révolte serait sans aucun doute moins dangereux qu’en empoissonnement qu’on ne voit pas arriver. Oui… Y avait rien à ajouter. Eveline préférait bien plus avoir des domestiques et devoir sortir de l’argent pour les faire payer que d’avoir du travail gratuit mais avec un risque pour sa propre vie. Comment elle avait pensé à cela ? Mmm délicate question. Que pouvait-elle bien répondre à cela ? « Non, à Londres y a pas d’esclaves. Et les domestiques ont toujours le droit de partir travailler ailleurs. » Elle pointa du regard les esclaves. « Observez donc leurs regards. Certains sont vides, comme si il n’y avait plus d’âme. Et dans d’autres il y a encore une étincelle de vie. Il suffit souvent d’une simple étincelle pour qu’un feu se propage…. Et les rumeurs au nord du pays peuvent être une étincelle suffisante… Ca me surprend que personne ne voit cela ? Peut-être en tant qu’étrangère j’ai plus facile à voir cela. » Ils vivaient peut-être tous trop longtemps dans l’imagination que ce qui arrive au nord, ne va pas arriver jusqu’ici. Choisir de fermer les yeux plutôt que de voir la vérité du changement arriver ?

Eveline n’avait jamais aimé la politique et ne s’y intéressait pas. Mais ce qu’elle voyait dans le regards de certains esclaves, autant dire qu’elle les voyait plus comme des humains. Et donc c’était plus facile de reconnaître la peur et la colère dans leurs yeux. Sans parler que qu’elle-même connaisse que trop bien ce qu’une personne puisse faire lorsqu’on le pousse à bout et qu’il n’y a plus d’autre échappatoire. « J’ai été ravie de faire votre connaissance, Laurel. J’espère qu’on se recroisera un de ces jours. Là il faut malheureusement que je vous quitte, j’ai été invité au thé chez Monsieur Hardigan. »

Elle avait totalement raison ! L’intelligence faisait peur. Et les femmes intelligentes encore plus. Heureusement pour ceux qui gouvernent la société, très peu de citoyens faisaient preuve d’esprit. D’ailleurs, j’en avais marre de côtoyer des ignorants, des gens qui ne réfléchissaient pas, des assistés. Et c’était une des raisons pour lesquelles je commençais à apprécier Eveline. Elle était différente. Elle comprenait, elle était subtile, elle réfléchissait, tout simplement. Quel bonheur ! « Encore une fois, vous avez totalement raison, mais vous vous rendrez vite compte qu’il y a beaucoup de gens, superficiels, par ici. Surtout les femmes. D’ailleurs, j’ai pris l’habitude de me mélanger à cette catégorie, moi aussi. Ainsi, je ne représente pas de danger pour ceux qui détiennent le pouvoir et je n’ai pas de problème. » C’était beaucoup plus simple ainsi. Également pour protéger le blason familial. Eveline ne comprendrait probablement pas, mais je m’en fichais. J’avais toujours agi de cette façon. « Je pense que les habitants ont toujours vécu avec l’esclavage et ils ne pensent pas à y mettre un terme. Ils ne remarquent en effet probablement pas qu’une rébellion pourrait changer la donne. Ils détiennent les cordons de la bourse et le pouvoir, c’est tout ce qui leur importe. Mais ça changera rapidement dès que leurs positions seront ébranlées. » Oui, je craignais qu’une guerre éclate, mais je ne pensais pas que cela arriverait de sitôt. Pas ici en tout cas. L’esclavage était ancré depuis bien trop longtemps dans les mœurs. Est-ce que je ne voulais pas regarder la réalité en face ? Cette discussion avec Eveline semblait en tout cas bouleverser par mal de choses dont j’étais à priori certaines, pas mal de convictions.
Elle était invitée chez Adam Hardigan, le diable en personnes. Et ben, Eveline Thorne était vraiment une personnalité inattendue, et elle semblait s’entourer des pires hommes de la Nouvelle Orléans. Heureusement que Kane était là pour équilibrer. Parce qu’avec Levinson et Hardigan, elle était mal tombée. Devais-je la prévenir de la réputation d’Hardigan ou pas ? Probablement pas, ce n’était pas de mon devoir. Elle entendrait bien rapidement les rumeurs à son propos également. D’ailleurs, je n’avais encore jamais rencontré le diable, mais j’en avais déjà tellement entendu parler que j’avais l’impression de le connaître. Un homme froid et moqueur. Je ne tenais pas à faire sa rencontre. « Et bien je vous souhaite de passer un excellent moment en compagnie de Monsieur Hardigan. Un conseil, même si je suppose que cela coule de source, pesez bien vos mots lorsque vous parlez aux habitants de la Nouvelle Orléans. Et n’oubliez pas que les rumeurs circulent vite. Très vite. A bientôt, j’espère. » Je me réjouissais de voir comment Eveline Thorne allait mener sa barque en Amérique.

uno

Life is full of unexpected {PV Eveline}

— Life is full of unexpected {PV Eveline} —

Life is full of unexpected {PV Eveline}